Une glace, un café, des révélations. [Alphonse Feldmann, Azalée Chêne & Saniya Carson]

- Tu vas y aller ? Au rendez-vous ?

Al rumina la question pendant plusieurs minutes. Et pour cause, il n'en connaissait pas la réponse. Il n'avait pas du tout envie de voir ni encore moins de parler à ses parents, si c'était bien l'idée de l'inconnue. Le jeune homme n'était pas du genre à ruminer le passé, et il allait toujours de l'avant, "vers un futur plus heureux", comme disait l'autre. D'un autre côté, sa curiosité maladive ne se calmerait pas avant qu'il ait obtenu des réponses. Parce que finalement, Al ne connaissait absolument rien de ses parents où même de la raison pour laquelle ils l'avaient abandonné dans un carton à patates, aux portes d'un orphelinat français. Trop de questions, pas assez de réponses. Sauf si l'inconnue était en mesure de les lui fournir.
Quand Alphonse répondit à Azalée, ils étaient sorti de l'orphelinat  et se dirigeaient vers le centre-ville.

- Honnêtement, j'en sais rien du tout. Je ne sais même pas si j'en ai envie...

Al n'ajouta rien de plus durant le reste du trajet. Ils arrivèrent à destination quelques minutes plus tard. À cette heure, la place était très animée, peuplée de familles en week-end, de couples qui flânaient ou de grands-mères qui promenaient leur petit chien. Les deux adolescents se dirigèrent vers le café. Al opta pour une petite table tranquille en terrasse, et tira une des deux chaises pour inviter Azalée à s'asseoir. Il prit ensuite la place en face d'elle. Une serveuse aux cheveux bruns très frisés ne tarda pas à venir prendre leur commande :

- Bonjour, qu'est-ce qui vous ferrait plaisir ?

- Bonjour. On prendra une glace deux boules passion/noisette, et une autre choco/pistache, s'il-vous-plaît, répondit Al avec un clin d’œil à Azalée.

- Merci..., dit-elle en rougissant légèrement, pour la glace.

La jeune fille sourit et passa une main dans ses cheveux. Malgré les récents événements, il n'avait pas oublié ses parfums favoris et elle s'en réjouissait. C'était vraiment trop mignon. Elle croisa les jambes et posa ses mains sur son genou. Elle était encore, un tout petit peu mal à l'aise par rapport à la mystérieuse fille de tout à l'heure. Elle chassa cette pensée de son cerveau et regarda Alphonse. Seulement, le visage de l'inconnue revint au galop dans son esprit et ce fut trop pour elle. Elle devait lui demander. Il savait forcément quelques choses, même un tout petit détail.

- Al ? Si elle te connait, comment ça se fait, que toi, non ? Cette histoire est bizarre. En plus, elle prétend quoi en te montrant cette photo ? Qu'elle connait tes parents ? Je ne lui fais pas confiance...

Azalée marque une petite pause et plongea ses yeux dans ceux de son ami.

- Je n'ai pas envie qu'il t'arrive quoi que ce soit...

Al baissa les yeux vers ses chaussures. Lui non plus ne faisait pas du tout confiance à l'inconnue de toute à l'heure. Du tout. Et encore moins depuis qu'il savait qu'elle avait un quelconque lien avec ses parents.

- Je n'ai pas envie qu'il t'arrive quoi que ce soit... continua Azalée.

Al releva les yeux vers elle, un monde d'affection dans ses pupilles couleur noisette.

- Tu sais que t'es adorable quand tu dis ça ? Mais je te rassure, je n'ai pas envie qu'il m'arrive quoi que ce soit non plus. J'ai un très faible seuil de tolérance à la douleur physique, grimaça-t-il.

Al poussa un léger soupir et passa une main derrière sa nuque.

- Je ne lui fait pas confiance non plus. Le fait qu'elle connaisse probablement mes parents ne m'inspire rien qui vaille. En fait, je ne vois même pas pourquoi je devrais aller à son rendez-vous. Pour y faire quoi après tout ? Rencontrer mes parents ? Un petit face-à-face avec ceux qui m'ont abandonner comme un vulgaire meuble ? Non merci. Je suis très bien sans eux.

Al réalisa un peu tard qu'il venait de déballer une grande partie de son passé devant Azalée. Ce n'était pas prévu, mais finalement, ce n'était pas plus mal. Pourquoi le cacher ?

- Tu sais que t'es adorable quand tu dis ça ?

La suite, elle l'entendit à peine, voir pas du tout. Elle était adorable. Elle, Azalée Chêne, était adorable. Elle baissa les yeux tandis qu'un petit sourire gêné naissait sur ses lèvres. Elle n'eut pas le temps de lui répondre qu'il enchaînait déjà sur autre chose. Sur son histoire. La jeune fille releva les yeux vers lui, le regard remplit de peine et de tristesse. Elle ignorait pourquoi il était à l'orphelinat et elle se doutait que ce n'était pas dans ses plans de lui en apprendre un peu plus sur lui dans l'immédiat. Abandonné. Il avait été abandonné. Comment est-ce que des parents pouvaient-ils faire un tel acte ? Pour elle, ce n'était même pas concevable, ni même imaginable. C'est donc prise d'un énorme élan d'affection qu'elle se leva, se dirigea dans sa direction et s'assit sur ses genoux. Elle passa ses bras autour de son cou et posa son front contre le sien, fermant les yeux pour apprécier le simple contact entre son corps et le sien.

- Désolé, dit-elle dans un murmure, je n'aurais peut-être pas dû en parler...

La jeune fille rouvrit les yeux et lui sourit timidement.

- Rien ne prouve qu'elle viendra avec eux... Et si ça se trouve, ce n'est pas dans ses intentions. C'est peu probable, mais c'est peut-être ta sœur ? Ta cousine ? Une ancienne petite copine de tes précédents orphelinats ? Ou mieux, ta nouvelle petite amie !

Cette fois-ci, elle sourit à pleine dents et regarda discrètement ailleurs, faisant mine de réfléchir. Après quelques secondes de silence, elle se pencha vers l'oreille d'Alphonse pour lui murmurer quelques mots.

- Oublie ma dernière proposition, ce rôle est déjà prit...

Sans attendre une minute de plus, elle déposa un léger baiser au coin des lèvres du jeune homme.

HSRP:

Une agréable boule de chaleur grandit dans le ventre d'Al tandis qu'Azalée s'asseyait sur ses genoux. Cette fille jouait vraiment avec ses nerfs, il allait devenir fou si ça continuait. Luttant de toute ses forces contre l'envie et le désir, Al ferma les yeux et souffla pour tenter de se détendre. En fait, il pensait mériter une médaille pour récompenser cette volonté et cette maîtrise hors du commun. Rien que ça.

- Rien ne prouve qu'elle viendra avec eux... Et si ça se trouve, ce n'est pas dans ses intentions. C'est peu probable, mais c'est peut-être ta sœur ? Ta cousine ? Une ancienne petite copine de tes précédents orphelinats ? Ou mieux, ta nouvelle petite amie !

Al leva les yeux au ciel. Pas moyen, il ne connaissait pas l'inconnue, il ne l'avait jamais rencontré avant aujourd'hui. Alors qu'elle soit une ancienne petite copine, impossible. D'autant qu'il était arrivé à Evergreen à l'âge de sept ans. Beaucoup trop jeune pour s'intéresser aux filles. En revanche, l'hypothèse de la famille n'était pas à écarter si facilement. Malheureusement. Étonnamment, il n'adhérait pas du tout à l'idée d'avoir une sœur ou n'importe quel autre membre de sa famille. Al avait besoin de cet solitude pour pouvoir avancer dans la vie, continuer sur des bases solides, et sûres.

- Oublie ma dernière proposition, ce rôle est déjà prit... murmura Azalée, le sortant de ses pensées.

La jeune fille s'approcha un peu plus et déposa un léger baiser sur sa joue. Al cligna plusieurs fois des yeux, surpris par ce geste pour le moins inattendu. N'y tenant plus, il s'approcha à son tour et lui vola un baiser (un vrai cette fois, sur les lèvres et tout !) furtif. Puis un grand sourire s'agrandit sur son visage, qui lui faisait trois fois le tour du visage.

- Tu m'as cherché, assume maintenant ! fit-il en nouant ses doigt autour des reins d'Azalée.

La jeune fille écarquilla lentement les yeux lorsqu'Alphonse déposa ses lèvres contre les siennes et se mit à rougir, surprise de cette réaction, mais surtout de se sentir aussi bien depuis trois ans. Effectivement, une étrange sensation de plaisir mélangée à une envie ardente de faire perdurer ce baiser envahirent son esprit et remplirent son corps de chaleur. Tous les préjugés qu'elle avait sur l'amour se dissipèrent aussitôt, tout comme l'idée qu'elle s'en faisait depuis plusieurs années grâce à ses romans à l'eau de rose. Oui, l'amour était bien plus merveilleux en vrai que dans un bouquin. Elle ferma les yeux comme pour faire durer le plaisir, ou peut-être pour ne pas se réveiller de ce rêve. À contrecœur, le jeune homme se retira, laissant un vide sur ses lèvres.

- Tu m'as cherché, assume maintenant !

Il passa doucement ses bras autour de sa taille, tandis qu'elle posait sa tête sur son épaule. Il devait sans doute être le plus heureux de toutes les personnes de l'univers à l'heure qu'il est, et elle, la plus heureuse de toutes les filles de la population terrienne.

- Je t'aime..., dit-elle pour la première fois dans le contexte qu'Al avait tant espéré, et j'assume parfaitement. Même si je dois avouer qu'avoir le rôle de ta petite amie n'est pas du tout une mince affaire. C'est même une plaie quand on réfléchit bien. Crois-tu que je vais tenir ? C'est quand même difficile de devoir passer une journée entière avec toi. On n'en voit plus le bout !

Elle lui sourit ironiquement et posa délicatement ses mains sur celles de son petit copain.
Elle allait de nouveau mêler ses lèvres aux siennes lorsque la serveuse revint avec les glaces, plus ou moins gênée d'interrompre leur petit moment de romantisme et s'éclipsa le plus rapidement possible, sans demander le moindre paiement.

- Je me demande, dit-elle en admirant sa soucoupe, qui je préfère entre mes boules de glace et toi. Parce qu'elles me font de l'œil et qu'elles m'appellent. Alors que toi, qu'est-ce qui me retient ici ?

HSRP:

- Je t'aime..., et j'assume parfaitement.

Ok ok ok. Pause s'il-vous-plaît. Azalée avait-elle bien dit ce qu'Al pensait qu'elle avait dit ? Une vague de bonheur déferla dans son corps, et son cœur se gonfla de bonheur. C'était la première fois qu'elle lui disait ces trois mots  -si on ne comptait pas la fois où elle avait pleuré trois minutes après... Quelle sentiment de plénitude lorsqu'on aimait si fort et qu'une personne vous aimait autant en retour ! Bon, je vous épargne les envolées lyriques que le cerveau d'Alphonse était en train de déclamer virtuellement (c'est pas joli-joli), pour en arriver directement au fait : il était l'homme le plus heureux de la planète.
Pendant ce léger moment d'absence, Azalée continuait à parler mais ses mots ironiques ne parvinrent pas à pénétrer le nuage rose cotonneux qu'était devenu l'esprit -pourtant vif- du jeune homme. Ce fut l'arrivée de la serveuse avec leurs glaces qui le tira de sa rêverie.

- Je me demande, dit Azalée en admirant sa soucoupe, qui je préfère entre mes boules de glace et toi. Parce qu'elles me font de l'œil et qu'elles m'appellent. Alors que toi, qu'est-ce qui me retient ici ?

Chassez le sarcasme, il revient au galop. Comment ça ce n'est pas le bon proverbe ?

- Hmm, choix difficile je te l'accorde. D'un côté, une glace passion/noisette sûrement délicieuse. De l'autre, les genoux fermes et musclés d'un Apollon en chemise de bûcheron canadien, incroyablement drôle et spirituel. Même moi je ne saurais pas élire la meilleure option, c'est dire, soupira Al en faisant mine de réfléchir. Mais je suis un gentil garçon donc, tu vois (il place les deux soucoupes en face d'eux), je ne t'oblige même pas à choisir entre le siège confortable que constituent mes genoux, et cette glace qui me paraît tout à fait succulente.

Et comme pour illustrer son propos, Al retira une main du dos d'Azalée, et prit une grosse cuillerée de sa glace au chocolat, qui finit sa course dans sa bouche.

HSRP:

La jeune fille émit un petit rire étouffée, se retenant de justesse de ne pas rire aux éclats. La façon dont se décrivait Alphonse n'était pas tout à fait la même qu'elle utiliserait pour le décrire. De là à l'appeler "Apollon", peut-être pas. Finalement, il rapprocha sa coupe de glace afin qu'elle reste assise sur ses genoux pour manger. Avait-il fait ça dans l'optique de ne pas la faire choisir ou dans l'optique de la garder près d'elle ? Bon, elle aurait le temps de se poser la question plus tard. Elle prit une cuillère de sa glace à la noisette qu'elle porta jusqu'à sa bouche. Hmm... C'était presque aussi bon que la glace au Nutella que sa mère préparait lorsqu'elle était plus jeune.

- Tu crois que si on fait une suggestion d'achat de glace pour les repas de la cantine, on aurait une chance d'en avoir ? Ce n'est, certes, pas très diététique, mais qu'est-ce que c'est bon...

Elle posa sa cuillère dans sa coupe après avoir mangé quelques cuillères et posa son regard sur celle de son ami qui se dirigeait tout droit vers ses lèvres. Elle pivota légèrement sa tête sur le côté et l'attrapa en vole. Elle n'était pas friande de la pistache, mais imaginer le visage d'un petit Alphonse dépiter de s'être fait manger sa cuillère de glace la faisait sourire jusqu'aux oreilles.

- Mmmmh... Si jamais tu ne veux plus de la boule de chocolat, tu penses à moi ? dit-elle ironiquement.

HSRP2:

- Tu crois que si on fait une suggestion d'achat de glace pour les repas de la cantine, on aurait une chance d'en avoir ? Ce n'est, certes, pas très diététique, mais qu'est-ce que c'est bon...

Al grimaça en songeant aux glaces chimiques en pot qu'on leur servait une fois l'an à l'orphelinat. Même en étant gourmand de nature, ces glaces-là ne le tentaient pas le moins du monde. Tout le contraire de celle qu'il avait en face de lui en fait. Al illustra sa pensée en prenant une nouvelle cuillère de glace, pistache cette fois-ci. Pistache qui n'arriva jamais à sa bouche. Le jeune homme contempla sa cuillère vide, médusé.

- Mmmmh... Si jamais tu ne veux plus de la boule de chocolat, tu penses à moi ? dit Azalée innocemment.

Al lâcha sa cuillère des yeux pour se concentrer sur Azalée avec un air offusqué.

- Ça c'était un coup bas ! Tu ne sais pas à quoi tu t'attaques là !

Al plissa les yeux, et ne la lâcha pas du regard en prenant une nouvelle cuillerée de glace à la pistache. Il laissa échapper un soupir de contentement.

- C'est bon, t'es pardonnée, sourit-il comme un bien-heureux.

Les deux adolescents continuèrent à discuter de choses et d'autres tout l'après-midi, et Azalée eût même l'immense honneur de finir la glace au chocolat d'Alphonse. Ce dernier passait une après-midi digne de figurer dans son top five des meilleurs après-midi, lorsqu'il consulta soudain sa montre par réflexe. Dans dix minutes, il avait rendez-vous avec l'inconnue. Et il ne savais toujours pas s'il avait envie de s'y rendre. Al soupira et fourailla dans ses cheveux bruns.

Azalée suivi les mouvements du jeune homme et comprit aussitôt ce qui se passait dans son cerveau. Il était perdu et elle pouvait le comprendre. Du moins, elle pouvait essayer de le comprendre. Mais qu'est-ce qu'il perdait à se rendre à ce rendez-vous ? Si vraiment cette jeune fille ramenait ses parents, il n'aurait qu'à partir et leur faire comprendre qu'il ne souhaitait pas de contact avec eux. De plus, lors d'un abandon, généralement, il s'agissait de l'enfant qui faisait tout pour retrouver ses géniteurs, pas l'inverse. Elle tourna la tête dans sa direction et posa son front contre le sien et déposa un petit bisou sur son nez.

- Va s'y, Al... Peut-être qu'elle n'a rien à voir avec tes parents... Ou du moins, par directement. Et si vraiment elle ne vient pas seule, tu pourras toujours prendre tes jambes à ton cou.

Elle hésita pendant quelques secondes, puis l'embrassa tendrement. Elle se retira après quelques secondes et se leva. Elle n'avait pas envie de prendre le risque de rester et encore moins de croiser l'inconnue. Elle sourit à Al et prit sa main.

- Je t'attends. Prend le temps qu'il faut. Quand tu auras fini, appelle-moi, je te rejoindrais.

Elle l'embrassa de nouveau et s'éclipsa le plus vite possible.
Pourvu que tout ce passe bien, pensa-t-elle.

Saniya avait quitté son appartement et grimpé dans sa voiture une quinzaine de minutes avant d'arriver non loin du café. Elle s'était garé sans prendre la peine de payer le parcmètre et tant pis si elle se retrouvait avec une amende à payer. Elle n'aurait pas plus de sous, de toute façon. Elle descendit de son vieux tacot, qui roulait encore par on ne sait trop quel miracle, et claqua la portière de derrière elle. Elle traversa la route pour se rendre sur le trottoir d'en face et s'alluma une cigarette. Elle était consciente qu'elle se pourrissait la santé, mais qu'avait-elle à perdre ? Peu de choses. Et de toute façon, c'était la seule chose qui arrivait à calmer ses nerfs souvent à vif, et à l'empêcher de cogner sur la première personne qui lui lancerait un regard de travers.

- Ne pas être froide... Ne pas être sèche. Être gentille.

La jeune fille se répéta cette phrase en boucle pendant le chemin comme ci elle récitait une leçon. Elle arriva peu de temps après au café et balaya la terrasse du regard en espérant trouver celui qu'elle cherchait. Par chance, il était bel et bien là et l'attendait sûrement depuis un petit moment. Elle écrasa sa clope dans un cendrier et le rejoignit à table.

- C'est sympa d'être venu, dit-elle en s’asseyant en face, et je suis désolée pour ma façon un peu bizarre d'avoir prit ce rendez-vous, mais c'était sûrement l'un des seuls moyens que j'avais pour que tu acceptes.

Elle marqua une petite pause et reprit la parole.

- Je m'appelle Saniya (Ça se dit Sani-ya pour ceux qui ne sauraient pas le prononcer ) Carson...

- Va s'y, Al... Peut-être qu'elle n'a rien à voir avec tes parents... Ou du moins, par directement. Et si vraiment elle ne vient pas seule, tu pourras toujours prendre tes jambes à ton cou.

Al émit un petit rire. Il se voyait très bien s'enfuir à toutes jambes, bras en l'air et en hurlant (comme ça en fait)... Le pire, c'est qu'il se sentait parfaitement capable de le faire s'il se retrouvait nez-à-nez avec ses parents.
Azalée le prit ensuite par surprise, le tirant de ses profondes réflexions, et l'embrassa tendrement. Al sentit des papillons voleter dans son ventre. Quelle sensation étrange d'ailleurs, quand on y pense... Bref, le jeune homme aurait sauté de joie si seulement le contexte n'était pas ce qu'il était et que l'idée de ce maudit rendez-vous ne le perturbait pas autant. Cette inconnue avait intérêt à trouver une bonne excuse, vindiou !
Azalée prit donc congé, après l'avoir de nouveau embrassé (nouveau soupir mental de la part du concerné) et fait promettre de l'appeler une fois sa petite entrevue terminée. Al la salua avec une pointe de regret, puis s'installa confortablement (pour tout confortable que soit une chaise en plastique recyclé) en attendant l'heure prévue. Heureusement qu'il avait pensé à prendre son portable... Alphonse glissa un écouteur dans une oreille et démarra sa musique, Sympathy for the Devil des Rolling Stones. Il en était à la moitié de l'album lorsqu'il aperçut la Blonde arriver dans ce qui ressemblait à une voiture. Vieille la voiture. Al se promit de ne jamais monter dans un tacos en aussi mauvais état. Il tenait à sa vie tout de même.

- C'est sympa d'être venu, dit-elle en s'asseyant après avoir écrasé sa cigarette, et je suis désolée pour ma façon un peu bizarre d'avoir prit ce rendez-vous, mais c'était sûrement l'un des seuls moyens que j'avais pour que tu acceptes. Je m'appelle Saniya Carson...

- Je ne vais pas répondre "enchanté" parce que tu viens de pourrir mon après-midi avec ma copine, mais je suis content de pouvoir enfin mettre un nom sur cette tête de rebelle, rétorqua Al avec une pointe de son sarcasme habituel. J'imagine que tu connais mon nom, donc je passe directement à la suite. Qu'est-ce que me veut Saniya Carson ?

Saniya le regarda avec des yeux ronds comme des balles de ping-pong. Qu'est-ce qu'elle avait donc fait de mal pour mériter un accueil si peu chaleureux ? Ok, elle avait rétrécit son rencart avec sa copine. Ok, elle s'était un peu invité dans sa vie sans lui demander son autorisation. Ok, elle avait une tête de fille rebelle et qui n'inspire pas la confiance au premier abord. Ok, elle venait pour lui parler de son passé, ce qui n'est pas forcément très sympathique quand on a été abandonné, mais elle méritait un minimum de respect. Même si son niveau de "haïssement" envers elle dépassait les cents pour cents. Elle soupira et encaissa les paroles. Elle prenait sur elle pour ne pas l'attraper par le col de son tee-shirt et lui faire découvrir la sensation d'un marteau qui cogne contre un mur. Elle ne voulait pas se prendre la tête avec qui que ce soit et encore moins avec lui. Elle voulait juste parler, calmement et si vraiment il continuait de ne pas l'aimer, elle s'éclipserait de sa vie aussi vite qu'elle en était rentrée.

- Écoute, je suis sincèrement désolée d'avoir pourri ton après-midi avec ta charmante copine, je suis sincère. Et je suis encore plus désolée de te voir me juger trop vite. Ma foi. Pense de moi ce que tu veux, mais sache que tes aprioris sont certains faux.

Elle posa ses coudes sur la table et prit sa tête entre ses mains. Par où commencer ? La raison de sa venue ? Pourquoi et comment elle le connaissait ? Ou tout simplement l'éclairer sur ses parents ? Trop questions, pour sa si frêle personne, qui se bousculaient dans son cerveau d'un coup, et qui lui donnait l'envie de s'en griller une autre. Elle se racla la gorge et prit un chewing-gum à la menthe, se ravisant de lui en proposer un.

- Je vais sans doute t'enlever un poids, mais tes parents ne sont absolument pas au courant de ma visite et encore moins que je vis dans la même ville, à seulement quelques minutes de l'orphelinat. Alors, si ça peut te rassurer, ma venue ici n'a rien à voir avec eux et n'aura jamais, dit-elle en insistant bien sur le mot, avoir avec eux.

Elle marqua une petite pause pour appeler une serveuse et commander un verre de coca. Oui, un simple verre de coca. Sans vodka ou tequila ou tout ce que vous voulez. Pas d'alcool. Une fois la serveuse partie, puis revenu avec son verre, elle reprit.

- Je vais essayer d'être brève et de raconter uniquement les grandes lignes. Tes parents sont des globes-trotteurs, qui ont toujours voyagé avec un autre couple, qui sont des amis d'enfance, et dont je suis la fille. J'avais presque trois ans quand tu es né et je te détestais. Oh, tu étais vraiment adorable, quand tu ne pleurais pas toutes les deux minutes. Tu accaparais tout le monde, même mes parents. Puis du jour au lendemain, tu as cessé de voyager avec nous. Tu n'avais même pas quatre mois. Je ne comprenais pas ton absence, même si je dois avouer que les deux premiers jours, j'en étais plutôt ravie. J'ai grandi et j'ai fini par comprendre. Je ne soutiens pas tes parents, loin de là, puisque les miens m'ont gardé et ont réussi à m'inculper une certaine connaissance, un certain savoir et que j'arrivais à suivre des cours, mais j'ai pu comprendre leur acte. Ils étaient trop jeunes et inconscients pour réussir à s'occuper de toi correctement. Et malgré mon côté de rebelle, j'ai un cœur figure-toi. J'ai arrêté de suivre nos, enfin mes parents pour m'installer ici et tenter de te retrouver. Ne me demande pas pourquoi, je ne sais pas. J'avais ce besoin quasi permanent de te revoir, te rencontrer et te parler. Même s'il y a de fortes chances pour que tu me détestes, j'en avais besoin. Ça fait trois ans que je te cherche dans les quatre coins de la France alors que tu es sous mes yeux depuis le début... Voilà. Tu sais presque tout.

Al écouta attentivement ce que Saniya avait à lui dire, en prenant un air faussement désintéressé. Oui parce qu'en réalité, elle lui en apprenait de belles : par exemple, il ne savait pas que ses parents étaient globe-trotteurs. Bon, en même temps, Al n'avait pas franchement fait d'effort pour en apprendre plus sur eux, il fallait l'avouer. Le résultat était que Saniya paraissait en savoir beaucoup plus sur son passé que lui-même, ce qui n'était pas très difficile finalement. Al eût donc le droit à un résumé relativement exhaustif de tout ce qu'il avait raté. Un peu comme dans une série américaine. Genre, "Previously, in La Vie Trépidante d'Alphonse Feldmann..."
Quand la jeune fille eût terminé son récit, il prit le temps de digérer toutes ses informations. Bien qu'il l'ait ignorée, la partie sur ses parents ne l'intéressa guère. Cela faisait longtemps qu'il avait tiré un trait sur eux. Même s'ils avaient été pleins de remords -ce qui n'était apparemment pas le cas-, il n'aurait rien voulu savoir. En fait, il n'était même pas en colère ou triste, juste... indifférent. Il se fichait d'eux et de ses liens avec eux comme de sa première équation résolue. Beaucoup donc. Alphonse était tout de même soulagé que Saniya soit venue de son plein gré, sans les ramener dans ses bagages. Bonjour le mal-aise dans le cas contraire... Mais il était étonnamment touché par le fait que Saniya l'ait recherché, et avait même quitté ses parents pour le retrouver. Pourquoi s'être donné tout ce mal pour lui ? Al n'en avait pas la moindre idée, et elle non plus de toute évidence.
Il poussa un long soupir en allongeant ses jambes en biais.

- Je sais pas quoi te dire. Ce qui, crois-moi, est plutôt incroyable de ma part.

Al planta ses yeux dans ceux de la jeune fille.

- C'est sympa d'être venu me voir. Je suis content de te connaître aussi. Bon, par contre, évite de m'aborder en mode agent-secret-en-mission-ultrasecrète la prochaine fois, c'est flippant hein.

Mais une chose continuait à titiller sa curiosité. Al posa la question qui lui brûlait les lèvres.

- Pourquoi as-tu quitté tes parents ? Ça doit être sympa de voyager, non ?

La jeune fille croisa les bras sur sa poitrine lorsqu'il lui dit qu'il était ravi de la connaître. Ah bon ? Vraiment ? Ce n'est pas l'impression qu'elle avait il y a encore quelques secondes. Il avait tout l'air, sauf ravi. Qu'est-ce qui l'avait fait changer d'avis en si peu de temps ? Le fait qu'elle ne soit pas de mèche avec ses parents ? Probable. Mais pas à cent pour cent pour autant. Elle soupira face à ce dilemme, mais sa méfiance se dissipa pour laisser place à un petit rire. C'est vrai que pour une fille qui adore les films d'actions, endosser le rôle d'un agent secret en mission ultra secrète lui avait énormément plu.

- Désolé, dit-elle en souriant sans même le penser, je dois trop regarder de séries américaines.

Trop regarder... Bien sûr. Elle n'avait pas d'ordinateur -en dehors de ceux de la fac- pour regarder des séries en streaming et encore moins la télé. Très pratique pour suivre les séries, c'est sûr ! Et pourtant, elle aimait ça. Du moins, à l'époque où elle vivait encore chez ses parents. Et c'est là qu'Alphonse prit la peine de poser la question. LA question qui tue. Celle que Saniya déteste par dessus-tout. Elle poussa un long soupir et bu une gorgée de son verre de coca.

- Ouais, c'est super de voyager aux quatre coins de la planète, de découvrir de nouvelles cultures, mais je n'ai que vingt ans et la vie devant moi pour le faire. J'en avais assez de me faire des amies pour quelques mois et de quitter la ville ou même le pays pour aller m'en faire ailleurs. Je voulais une situation stable. Alors, mes parents ont accepté de me financer mes études ici, mais c'est tout. Ils se sont senti trahis et ont refusé de payer plus. Et tu veux savoir où tout ça me mène ? Je dors sur un vieux canapé, je conduis une poubelle et je ne gagne même pas assez d'argent pour manger comme je le souhaiterais. Je pense que c'est pour ça que j'ai une tête de délinquante rebelle.

Elle lui fit un clin d’œil et reprit une gorgée de coca lorsqu'une pensée lui traversa l'esprit. Comment est-ce qu'elle allait payer son verre ? Elle devait avoir 10 centimes sur elle et demander à un gars qu'elle ne connaissait même pas n'était pas très approprié. Elle sortit son paquet de cigarettes et en prit une, qu'elle alluma à l'aide de son briquet où était dessiné la fameuse "plante interdite".

- T'en veux une ? Proposa-t-elle à Alphonse. Même si je doute que tu aies déjà fumé une fois dans ta vie.

Le jeune homme n'eut pas le temps de répondre, que le cri d'une jeune fille retentit à quelques pas du café...

Al hocha lentement la tête. Il pouvait comprendre ce qu'avait fait Saniya. Enfin non, pas vraiment vu qu'il n'avait jamais voyagé de sa vie. Techniquement si en fait... Bref, il ne se souvenait pas d'avoir jamais mis le pied autre part qu'en France, c'est bon là ? Et pour en revenir à Saniya, il pouvait, ou du moins essayer de comprendre qu'elle préfère s'installer seule et arrêter cette vie de nomade pendant un temps. Il aurait sûrement fait pareil. D'ailleurs, Al comptait bien avoir un petit boulot d'un qu'il atteindrait les dix-huit ans, afin de pouvoir se payer une voiture, de l'essence, voir même un appart' quand il quitterait Evergreen. Un bien beau programme en perspective.

- T'en veux une ? lui proposa Saniya. Même si je doute que tu aies déjà fumé une fois dans ta vie.

Al se reconcentra sur la conversation et loucha sur la cigarette que lui tendait la jeune fille. Elle avait raison, il n'en avait jamais fumé. En entier. Pour la simple et bonne raison qu'il s'était étouffé et avait craché ses poumons dés la première bouffée la première fois qu'il avait essayé. Inutile de dire qu'il n'avait jamais retenté l'expérience. Al déclina donc la proposition de Saniya d'un signe de tête, lorsqu'un son particulièrement désagréable se fit entendre. Un cri. Et pas n'importe lequel. Son sang ne fit qu'un tour lorsqu'Al reconnut la voix d'Azalée. Il se leva d'un bon, renversant sa chaise dans l'élan, et se précipita vers la provenance du cri, soit la ruelle adjacente.

- Azal... merde ! jura-t-il entre ses dents en trébuchant sur le gravier. Azalée !!

Al déboula à l'angle de la ruelle en effectuant un dérapage semi-contrôlé et se retrouva face à une vision de cauchemar.

Azalée attendait patiemment Alphonse, dans la ruelle de derrière, assise sur un petit muret qui donnait vu sur la Tour Eiffel. La jeune fille rêvait de visiter ce monument depuis tellement longtemps qu'elle pouvait rester des heures à contempler cette dame de fer -même de loin- et c'est ce qu'elle comptait faire en attendant le coup de fil de son petit copain. Petit copain... Elle adorait déjà le désigner comme tel, et malgré un petit sentiment de précipitation, elle n'avait absolument pas de regrets. Tout ce qu'elle ressentait depuis à peine quatre heures, c'était un bien-être incroyable et une folle envie de crier son amour sur tous les toits de la capitale. Elle sourit à cette pensée loufoque et sortit son téléphone de sa poche pour mettre en fond d'écran la photo d'elle et Alphonse, prise un peu plus tôt au café, dans l'après-midi. Cette journée était vraiment merveilleuse. Elle vivait un rêve éveillé. Rêve qui ne tarda pas à virer au cauchemars. Deux jeunes à peine plus âgés qu'elle, mais bien plus imposant, arrivèrent en face d'elle. Un tenait une barre de fer et l'autre serrait un couteau dans sa main droite. Son sang se glaça et elle déglutit difficilement sa salive. Il était clair qu'ils venaient pour elle et que pouvait-elle bien faire du haut de son mètre soixante et de ses cinquante-deux kilos ? La réponse n'était pas bien difficile. Rien. Elle ne pouvait rien faire. Elle descendit d'où elle était perchée; espérant réussir à regagner un coin plus peuplé et réussir à leur échapper, mais c'était trop tard, ils étaient déjà sur elle. Elle poussa un cri de terreur, capable de réveiller un mort, lorsque le plus costaud des deux lui pointa son couteau sous la gorge.

- Ton portable et ton fric ! Magne-toi !

La jeune fille obéit, sortant immédiatement son téléphone, qui, sans doute trop vieux pour que ses agresseurs puissent en tirer quelques choses, termina sa course contre un mur, faisant disparaître à jamais les photos de toute une vie passée. Les larmes lui montèrent instantanément aux yeux. Dans quel pétrin s'était-elle fourrée ?

- Tu es sûre de ne rien oublier ? Donnes ton fric, p'tite conne !
- Je...je..n'ai rien...sur moi... Bafouilla-t-elle, morte de peur.
- Vraiment ?

Azalée sentit la lame s'enfoncer doucement dans son cou, accompagné d'un petit liquide chaud. Son sang. Elle n'eut pas le temps de comprendre davantage ce qui se passait, que tirer par les cheveux, elle se retrouva deux fois projeter contre le mur. Si elle s'en sortait vivante de ce calvaire, plus jamais elle s'éloignerait de plus d'un centimètre de la civilisation et encore moins d'Alphonse. Qu'est-ce qu'il faisait en ce moment ? Est-ce qu'il l'avait entendu crier ? Sûrement. Mais comment pourrait-il se douter qu'il s'agissait de son cri et pas celui de quelqu'un d'autre ? Elle allait donc continuer de se faire taper à sang et rien ni personne ne viendra à son secours... Elle allait de nouveau se mettre à pleurer, mais le deuxième gars lui infligea un coup de la barre de fer dans les jambes, ce qui la fit tomber à genoux, bloqua sa respiration à cause de la douleur, stoppant son envie de pleurer pour laisser place à celui de crier.

- Tu crois ce qu'elle raconte ?
- Absolument pas ! Allez. File ce putain de fric. Et cesse de chialer comme une pauvre petite fille à sa maman si tu tiens à la vie !

Que pouvait-elle leur donner pour remplacer l'argent ? Rien. Elle ne possédait pas de bijoux de valeurs sur elle, pas même une simple gourmette en or. Tout ce qu'elle avait, c'était une paire de boucle d'oreille acheter à un euro sur le marché. Elle n'irait pas bien loin. Elle commençait à perdre espoir lorsqu'une voix qu'elle reconnaissait très bien appela son prénom. Alphonse. Elle était sauvée ! Enfin, s'il arrivait à prévenir la police sans se faire agresser à son tour...

- Al...!
- Ferme là !

En signe d'avertissement, elle reçut un coup de pied dans le ventre. Le coup de trop. Celui qui la fit s'écrouler au sol, incapable de bouger à cause de la douleur qui la tiraillait dans tous les sens. La seule chose qu'elle pouvait faire, c'était d'écouter les dialogues et découvrir une nouvelle voix, féminine cette fois, celle de l'inconnue, bien décidée à prendre la situation en main.

Saniya continua sagement de savourer sa cigarette et haussa les sourcils lorsqu'elle vit Alphonse se lever d'un bond en faisant renverser sa chaise. Qu'est-ce qui lui prenait ? Rremarque, elle pouvait comprendre sa réaction. Ce genre de cris étaient à faire froid dans le dos, mais il allait devoir s'habituer à ça. Dans ce quartier mal famé de Paris, il était quasiment impossible de passer à travers cette attraction. Si tu ne te faisais pas agresser, même pour un simple ticket de métro, tu voyais les autres l'être. Dans les deux cas, il ne s'agissait pas d'une partie de plaisir. D'autant plus, qu'elle en savait quelques choses. Le cri provenant de la ruelle de derrière, elle savait qui était les deux zoinzoins impliquer dans l'histoire. Plus elle en restait éloigné, mieux elle se porterait. Pourtant, Alphonse ne semblait pas de cet avis puisque il partit en courant. Quel crétin ! Elle tenta de l'appeler, mais visiblement, il n'était pas prêt de l'écouter.

- Fait chier, cracha-t-elle en écrasant sa clope dans le cendrier, pour une fois que je voulais rester en dehors de ça.

Elle se leva à son tour, bouscula la serveuse en lui criant qu'elle reviendrait payer d'ici une vingtaine de minutes et rejoignit le garçon au pas de course. Bon sang. Elle n'arrivait déjà pas à se protéger elle-même, alors comment allait-elle pouvoir protéger deux autres personnes ? Elle s'insulta mentalement et se stoppa net à côté d'Alphonse en voyant la scène qui se déroulait devant ses yeux. Elle connaissait cette petite tête blonde, de vue uniquement, mais il n'y avait aucun doute là-dessus, il s'agissait bien de la copine du jeune homme. Elle soupira.

- Dès qu'ils auront détourné son attention, rejoint-là et occupe toi d'elle.

Jouer aux héroïnes étaient bien moins drôle que jouer aux agents secrets en mission et la peur n'était pas la même. Elle avança de quelques pas en direction des deux assaillants et se racla la gorge.

- Bon, les gars, dit-elle avec une assurance presque hors du commun, on va mettre les points sur les virgules. Je vous propose un petit deal.

Les concernés se tournèrent en direction de leur interlocutrice et s’échangèrent un regard complice. Leur vieille amie (Ceci est bien évidemment de l'ironie) osait les provoquer, et sur leur territoire. Elle ne manquait pas de culot. Ils se désintéressèrent de leur première victime et sourirent en s'approchant de celle qui allait bientôt devenir la deuxième.

- Saniya, qu'est-ce que tu nous proposes donc ? Tu n'es pas assez fauchée ? demanda le brun. Tu veux être endetter jusqu'au cou ?

- Vous fichez la paix à cette fille. Et à lui, par la même occasion, dit-elle en pointant du doigt Alphonse. pour aujourd'hui et pour n'importe quel autre jour. Et vous savez déjà ce que vous aurez en retour.

- Proposition alléchante. Mais tu fais quoi du fric qu'on recherche ?

- Je me débrouillerais.

- Tu as trois lunes Carson. Si tu ne tiens pas ta part du marché, on retrouvera tes deux petits protégés et ils ne s'en sortiront pas qu'avec un bras dans le plâtre.

- C'est ça, marmonna-t-elle dans sa barbe, on verra...

Ils quittèrent les lieux en la bousculant sans chercher à obtenir leur dû. Mais si elle croyait s'en tirer comme ça, elle se trompait. Pendant que la jeune fille rejoignait Alphonse et cette fameuse Azalée, ils allaient lui montrer qui commandait ici.

HSRP:

HSRP:

Al sentit son sang se glacer. La première chose qu'il vit dans la ruelle fut deux grands types. Ils paraissaient même plus grand que lui, malgré son honorable mètre quatre-vingt... Humiliation ultime. Comme de par hasard, les deux loubards obéissaient parfaitement au stéréotype : cheveux ras au point qu'on apercevait leur crâne au travers, tatouages multiples sur les bras, jeans déchirés, rangers au pieds et vestes en cuir. Quel manque d'originalité. Avec un style plus classique, ils susciteraient beaucoup moins de méfiance... Méchants et stupides. Combinaison dangereuse. Sur cette conclusion, Al conclut sa rapide analyse visuelle et son regard chercha avidement Azalée. Il ne la trouva pas tout de suite, mais lorsque ce fut fait, ce fut comme si on lui arrachait les tripes pour ensuite les lui remettre en place. Azalée était écroulée au sol, à quelques mètres des deux malabars, ensanglantée et en piteux état. Al serra les poings et fit un pas en avant pour s'élancer vers elle, avec un affreux pressentiment, mais Saniya qui l'avait rejoint le coupa dans son élan.

- Dès qu'ils auront détourné son attention, rejoint-là et occupe toi d'elle.

- Que...

Al voulut questionner la jeune fille sur ses intentions mais elle ne lui en laissa pas le temps. Saniya s'avança et entama une conversation avec les types. Alors comme ça ils se connaissaient ? Et elle semblait leur devoir de l'argent. Mauvais ça, très mauvais. C'était souvent le même scénario dans les films policiers : le pauvre type fauché doit une somme énorme au cruel mafieux, et le cruel mafieux est souvent accompagné de sbires à l'air tout aussi repoussant. Inutile de préciser que le pauvre type en voit souvent de toutes les couleurs (rouge principalement, si vous voyez c'que j'veux dire) et s'en tire in extremis grâce au super-flic-qui-arrive-toujours-au-moment-où-tu-t'y-attends. Sauf que là, Alphonse n'avait rien d'un super flic héroïque. Il n'avait jamais frappé personne et il ne miserait pas non plus sur sa force physique pour les tirer d'affaire. Quoique, il se sentait bien capable d'écraser un ours si on touchait à un cheveux d'Azalée. Un vieil ours. Un vieil ours malade. Et estropié.
Tandis que Saniya jouait le caïd, Al se précipita (le plus discrètement possible) vers Azalée et se jeta à genoux à côté d'elle. Ses côtes se soulevaient faiblement. Al poussa un long soupir de soulagement. Elle était vivante.

- Azalée ! C'est moi, Al. Tu peux bouger ?

Le jeune homme essaya de se calmer au maximum, ignorant les battements de son cœur qui frisait les deux-cents à l'heure. Néanmoins, sa voix tremblait et était plus aiguë qu'à l'accoutumé, trahissant son immense angoisse.
Al déplaça légèrement le corps d'Azalée, histoire de jauger les dégâts. Slurk, ils n'y étaient pas allé de main morte les lâches ! Al serra les dents de plus belle, luttant contre son instinct d'hyperactif qui lui hurlait d'aller leur enfoncer son poing dans les dents. Heureusement pour lui (ou pas d'ailleurs), Saniya sembla les convaincre et ils tournèrent les talons, disparaissant dans l'ombre de la ruelle.
Al détourna les yeux et se reconcentra sur Azalée qui revenait doucement à elle.

- Azalée ! Bon sang j'ai failli faire un infarctus ! s'écria-t-il tout en redressant la jeune fille en position assise dos au mur. T'as quelque chose de cassé ? Mal à la tête ? Commotion cérébrale ? Hémorragie ? Pire... ?

Bon sang, qu'est-ce qu'il avait eu peur ! Al se passa nerveusement la main dans les cheveux, dans l'attente d'une réponse.

HSRP:

Azalée revint tout doucement à elle avec un beau mal de crâne en accompagnement, et servi sur un plateau d'argent, s'il vous plait ! Elle avait l'impression d'être passé sous un train et qu'un marteau piqueur avait élu domicile dans sa pauvre boite crânienne, ce qui l'empêchait de se concentrer sur ce qui s'était passé avant qu'elle perde connaissance. Alphonse était là, à côté d'elle, à seulement quelques centimètres... Ses angoisses se dissipèrent petit à petit. Il l'aida à s'asseoir contre le mur et elle entreprit une longue séance de massage de ses tempes pendant qu'il défoulait ses nerfs et lui demandait si elle n'avait rien. Elle s'inspecta du regard, fit bouger ses membres supérieurs et inférieurs, puis soupira. En dehors des bleus et des bosses, elle n'avait rien de grave. A l'exception d'une blessure à la tête dont le sang séché collait dans ses cheveux blonds et qui lui faisait un mal de chien. Finalement, elle s'en était plutôt bien sortie.

- Arrête, dit-elle en esquissant un petit sourire, Je vais bien. Ça va. Plus de peur que de mal... Je n'ai ni commotion cérébrale, ni d'hémorragie, ni quelque chose de pire.

La jeune fille puisa dans ses dernières forces pour se laisser tomber dans les bras de son copain et pleurer à chaudes larmes. Elle qui voulait réellement tourner la page, oublier que les hommes ne sont pas tous comme son père, c'était mal barré. En parlant de son père... Elle se redressa d'un coup, poussa un petit cri de douleurs, accompagné d'une grimace et se leva comme elle pu. Son téléphone. Elle devait retrouver son téléphone. Sans écouter les avertissements d'Alphonse qui lui hurlait de se tenir tranquille, elle se dirigea en titubant vers l'épave de son objet électronique. Elle le récupéra et serra les poings. Elle avait bien tout perdu. Les photos de ses sœurs, de sa mère, de sa famille heureuse et unie. Elle se tourna vers les deux autres et s'adressa à son ami.

- Tu t'y connais en informatique, tu crois qu'il y a un moyen de récupérer quelques choses ou pas...?

Sa phrase avait presque été dite sur le ton de la plainte et son regard le suppliait de lui mentir même s'il n'existait aucun moyen récupérer quoi que ce soit. Elle avait besoin de garder une petite lueur d'espoir. Sans attendre la réponse d'Alphonse, elle se tourna vers Saniya qui était resté muette jusqu'à présent et la mitrailla de questions.

- Tu les connais ? Comment tu as fait pour les faire partir ? Est-ce qu'ils vont revenir ? Qu'Est-ce qu'ils vont te faire à toi ? Et...merci de m'avoir aidé...

HSRP:

Saniya était l'incarnation du silence. Elle observait la scène sans l'observer, plutôt occupée à voyager dans ses pensées. En voulant jouer aux héroïnes, elle s'était mise dans la bouse de traduc. Comme ci elle n'avait déjà pas assez de problèmes à la fac, il fallait lui en rajouter une petite couche. Elle souffla discrètement et chercha un moyen d'y échapper. Se faire passer pour morte ? Quitter la ville ? Quitter le pays ? Appeler ses parents ? Non, c'était impossible. Elle devait accepter la triste vérité. Elle n'avait pas d'autre choix que d'assumer ses actes, trouver l'argent et se transformer en fille facile. La prochaine fois, elle resterait sagement assise à boire son coca et préviendrait la police afin de ne pas se mouiller. Ou pas. Aurait-elle réellement était capable de le laisser tout seul ? Non, bien sûr que non. Scheiße.
Elle sortit son paquet de cigarette et ragea intérieurement en voyant qu'il s'agissait de sa dernière. Elle n'aurait pas d'autre choix que d'aller voler dans le tabac du coin. Elle l'alluma et se mit à avaler la fumée toxique sans prendre le temps de la savourer. Quelle misérable vie.
La voix d'Azalée lui posant quelques questions la fit sortir de ses rêveries. Elle plongea son regard dans le sien, se retenant de l'envoyer paitre et la menaçant de s'occuper de ses fesses. Elle se ravisa.

- Oui. Et trop bien à mon goût. dit-elle en soulevant légèrement son tee-shirt afin de montrer une cicatrice grande de cinq centimètres. J'ai un marché avec eux. Et je vous déconseille d'essayer de savoir quoi. Et je ne leur dois pas de frics, si vous vous posez la question. Ils ne reviendront pas et quant bien-même ils vous chercheraient, ils ne pourront jamais se douter que vous êtes à Evergreen.

En revanche, ils n'auraient aucun mal à la retrouver. Même s'ils ne connaissaient pas son lieu d'habitation, ils avaient du réseau dans tout Paris et en quelques jours seulement, ils pourraient débarquer chez elle. Elle leva la tête vers le ciel pour souffler la fumée de sa cigarette et reporta son regard sur les deux tourtereaux.

- Je vous amène chez moi. Elle ne peut pas retourner dans votre prison dorée comme ça. Dit-elle en montrant du doigt ses vêtements déchirés et le sang plus ou moins frais qui se trouvait dessus. Elle pourra se doucher et je lui prêterais des vêtements. Et j'ai de quoi désinfecter ses plaies dans ma voiture.

Elle n'attendit aucune réponse positive ou négative de leur part, ce n'était pas une proposition, mais un ordre. De toute façon, ils n'avaient pas le choix, elle avait raison. Elle commença à sortir de la ruelle, en direction de sa voiture, mais se tourna vers eux, prise d'une petite crise de panique.

- Et interdiction de prévenir les flics ! S'ils tombent, je tombe avec eux.

Al esquissa un sourire soulagé quand Azalée le rassura sur sa santé. Il ne savait pas ce qu'il aurait fait dans le cas contraire... Brrr, mieux valait ne pas y penser. Azalée allait relativement bien, mise à part cette vilaine blessure sur son front, donc tout allait pour le mieux. Bon ok, conclusion un peu optimiste peut-être. Al secoua la tête et se redressa en position accroupie, histoire de rester à la hauteur de sa petite copine. Petite copine... D'un côté, ces deux mots le remplissaient de joie et lui donnaient envie de sauter partout, mais de l'autre, il se sentait vraiment mal pour l'avoir laissée seule. Piètre prince charmant qu'il était...
Alphonse referma ses bras autour de la jeune fille qui s'était mise à pleurer. Plus jamais il ne laisserait une telle chose se reproduire. Jamais. Et pour cela, il allait avoir besoin de s'entraîner un peu. Oui, parce que ce n'était pas avec sa forme actuelle qu'il risquait de mettre K.O un adversaire de la taille de ces deux malabars. Le travail serait tout de même moins ardu qu'à la normal puisque, par chance, il était mince de nature. Les gros biceps viendraient avec le temps...

- Tu t'y connais en informatique, tu crois qu'il y a un moyen de récupérer quelques choses ou pas...? lui demanda Azalée après s'être levée pour aller récupérer quelque chose au pied du mur.

Al baissa les yeux vers le petit objet qu'elle lui tendait. Un téléphone portable, en cinq morceaux. Al grimaça en se frottant la nuque. Il avait déjà monté et démonté des téléphones un nombre incalculable de fois, en commençant par le sien, mais vu l'état de celui-ci, ce ne serait pas de la tarte. Deux ou trois petites pièces manquaient, mais il devait en avoir de rechange dans sa chambre.

- La carte SD à l'air intacte, t'as de la chance. Par contre l'écran est en miette et la batterie a un peu morflé aussi. Mais je ne vois rien d'irréparable, je m'occupe de ça dés qu'on rentre à Evergreen.

Al continuait d'examiner les dégâts qu'avait subit le portable lorsque Saniya revint vers eux, une mine préoccupée sur le visage. N'ayant pas suivit la conversation entre elle et les deux loubards, il eût un peu de mal à comprendre ce qu'elle racontait, mais une fois que ses neurones se soient rebranchés, cela fit tilt. Genre la fameuse ampoule qui s'éclaire au-dessus de sa tête. S'il s'agissait bien de ce à quoi il pensait, Saniya était pire que lui niveau aimant à problèmes. Al fronça les sourcils mais ne dit rien, rangeant toutes ces informations dans un coin de son esprit.
Saniya leur proposa, ou plutôt ordonna, vu le ton impératif de sa voix, de passer par chez elle afin qu'Azalée se douche et se change. Al acquiesça et se remit sur ses pieds en époussetant son jean. C'était une bonne idée, surtout si l'appartement de la jeune fille se trouvait dans les parages. En effet, il se voyait mal faire la route jusqu'à Evergreen à pied avec Azalée dans cet état. Et il n'avait pas assez d'argent sur lui pour payer un taxi. Alphonse prit donc Azalée par la main et ils rejoignirent
Saniya.

- Et interdiction de prévenir les flics ! S'ils tombent, je tombe avec eux.

Al leva sa main libre au niveau de son épaule.

- Wow on se calme ! Personne ne préviendra personne. Et... je garderai mes questions pour moi, ajouta-t-il en croisant le regard inquisiteur de la jeune fille.

... Même s'il ne pensait pas tenir bien longtemps avec tous ces mystères sous son nez.

- Bon, on y va où tu préfères attendre que tes copains reviennent finir le travail ?

- Ouais, ouais !

Saniya le foudroya du regard. Ses copains ? Ah bon ? Vraiment ? Si c'était réellement le cas, elle ne prendrait pas la peine de ruiner sa vie pour eux ! Elle allait devoir lui parler en tête-à-tête et lui expliquer deux ou trois petites choses quand sa copine serait sous la douche. Elle se retourna pour faire face à la route et reprit son chemin, ruminant son envie de frapper dans un mur. Peut-être qu'elle aurait dû les laisser finir le travail justement. Elle jeta son paquet de clope dans une poubelle et prit la première rue à droite, se faisant toute petite en repassant devant le café. Elle n'avait pas payé et ne paierais sans doute jamais. Elle se fit un auto pense-bête au fond de son cerveau pour ne jamais remettre les pieds là-bas. Elle sortit les clefs de sa voiture de sa poche et se dirigea vers le vieux pick-up rouge délavé -avec trois place devant-. Il ne donnait absolument pas envie et menaçait de tomber en panne une fois démarr".

Une fois tout le monde installé, elle mit le contact et démarra. Si elle avait su qu'elle ramènerait du monde, elle aurait prit la peine de nettoyer la moquette afin de faire partir les miettes de sandwich, pizza ou encore les bouteilles de bière qu'elle avait consommée la veille, et d'aérer ou de mettre du parfum. Même quelqu'un de peu habitué pouvait sentir l'ignoble odeur des joints et des autres substances illicites qui avaient été fumés dans la voiture. Elle tenta tant bien que mal de faire abstraction au regard remplit d’interrogation d'Alphonse et aux grimaces d'Azalée à cause de la forte odeur.

Après quelques minutes de routes, elle s'engagea dans une rue qui menait dans un ancien quartier commercial. Actuellement abandonné, personne n'empruntait cette route à l'exception d'elle. Pourquoi ? Pour rejoindre sa charmante demeure. Elle se gara devant un vieil hangar et descendit en attrapant la trousse de secours dans la boite à gant.

- On est arrivé, tout le monde descend !

Elle descendit et claqua la portière dans un bruit de grincement. Effrayant. Elle se tourna vers les deux tourtereaux et leur sourit.

- Bienvenue chez moi.

HSRP: