"Si la natation est bonne pour la ligne, pourquoi les baleines sont elles si grosses ?" [Alphonse Feldmann & Saniya Carson]

Saniya s'était levée aux aurores, ou plutôt, aux aurores en retard de deux heures. Son réveil avait tout simplement refusé de sonner, ou alors, elle l'avait empêché de sonner en le coupant tout en grommelant des injures à son sujet. Quoi qu'il en soit, elle allait être en retard. Elle sauta de son lit, attrapa un jogging qui traînait par terre et évidemment, le seul débardeur qu'elle avait, avait décidé d'héberger une famille de mites. Saloperies de bestioles. Elle jura de nouveau en le secouant dans tous les sens et fini par se résigner à en laver un en vitesse, ce qui lui fit perdre quinze bonnes minutes.
Pendant qu'il séchait gentiment sur une chaise, elle partit à la recherche de ses baskets qu'elle trouva sous une pile de linge sales et se rendit enfin compte de la raison de sa pénurie de vêtements. Elle s'occuperait de ce problème en rentrant. Si toutefois elle en avait le courage et il y avait une chance sur dix mille pour que ce soit le cas. Regardant l'heure sur sa montre, tout en enfilant ses chaussures, elle se fit à l'idée de prendre son petit-déjeuner en route. Elle remplit son thermos de café et attrapa un pain au chocolat en priant pour qu'il ne soit pas périmé de plusieurs mois, puis une bouteille d'eau qu'elle fourra dans un vieux sac à dos qui donnait l'impression d'avoir fait la guerre. Elle prit ses clefs de voiture, enfila son débardeur vert encore humide et choppa un sweat avec des oreilles de chat sur la capuche avant de filer comme une flèche dans sa voiture.

Après avoir roulé pendant vingt minutes, elle trouva non sans mal une place de parking à quelques minutes du stade et se dirigea avec hâte vers le lieu où elle avait rendez-vous avec Alphonse pour son premier entraînement. Comme elle avait quand même réussit à arriver avec un peu d'avance, elle profita de ce petit laps de temps pour avaler sa chocolatine et se fumer une cigarette tout en buvant un peu de café bien chaud.

- Que demander de plus ? dit-elle en soufflant la fumée.

Au moment où elle écrasait sa cigarette par terre à l'aide de son pied, Alphonse fit son apparition à l'entrée du terrain de sport. Elle remarqua qu'il avait plutôt l'air en forme et motivé, chose qu'elle fera bientôt disparaître et avec un grand plaisir.

Le réveil d'Alphonse vibra à une heure indécente pour un samedi matin. Le jeune homme gémit car son rêve avait été particulièrement agréable, et tendit le bras pour l'éteindre mais il ne réussit qu'à le faire tomber de sa table de chevet. Hors de portée. Al jura dans son oreiller et se redressa lentement sur son lit. Quelqu'un pouvait-il lui rappeler pourquoi il s'infligeait ça ? Déjà qu'il n'avait qu deux grasse mat' dans la semaine, voilà qu'il en gâchait une pour... faire du sport ! Allez Al, t'es un type hyper courageux, et tu seras content quand ce sera fini. Motivation ! Pour ne pas perdre cette vague d'optimisme, il balança ses jambes hors de la couette et se mit sur ses pieds. Il se traîna tel un zombie sous sédatif vers son armoire et attrapa un jogging, un t-shirt propre et son gros sweat bordeaux. Al s'habilla en vitesse dans le noir, et le plus discrètement possible histoire de ne pas réveiller Keyvan qui dormait comme un bienheureux dans le lit voisin. Il fit un rapide saut par la salle de bain pour se rafraîchir le visage et se laver les dents, puis il ramassa son sac à dos qui traînait par terre et sortit de la pièce à pas de loup. De loup fatigué, qu'on se le dise.

Vingt minutes de bus plus tard (et après avoir failli se rendormir trois fois), Al arriva en ville. Mains enfoncées dans les poches de son sweat à capuche, il pénétra sur le stade. Et poussa un long et profond soupir. Mais qu'est-ce qu'il foutait là ? Il devait vraiment être fou pour faire du sport... et de son plein gré en plus de ça ! Inimaginable. Dire qu'il était nul en sport serait un euphémisme tellement sa sportivité était... bah, non existante. La voix du Coach résonnait encore dans ses oreilles : "Pathétique Feldmann ! Ma grand-mère bouge mieux que ça !" Alors qu'il était sur le point d'envisager l'idée de faire demi-tour pour rejoindre son lit douillet, Al aperçut Saniya adossée à la rambarde, cigarette au bec. Nouveau soupir, résigné cette fois.

- 'Jour, grommela-t-il en arrivant à sa hauteur.

Un coup d’œil vers le thermos de Saniya lui rappela qu'il avait oublié de prendre un petit-déjeuner.

- J'ai pas mangé... Tu crois que je risque de tourner de l’œil ?

- Salut ! lança-t-elle avec vivacité. Le réveil n'a pas été trop difficile ?

Saniya accompagna sa salutation d'un petit sourire moqueur avant de le dévisager de haut en bas ou de la tête au pied, comme vous préférez, avant de pousser un long et interminable soupir. Elle avait l'impression de faire du sport avec un gamin de cinq ans qui découvre cette discipline. Elle regretta presque d'avoir mangé son pain au chocolat. Après tout, elle était habituée à ne rien avoir dans le ventre, lui, ça devait être tout une autre histoire. Elle attrapa son sac à dos pour le mettre sur ses épaules et lui tendit son thermos.

- J'espère que t'aime le café, car j'ai que ça. Et commence à t'échauffer, le temps que je revienne. Je n'en ai pas pour longtemps. Dix minutes tout au plus !

Et elle s'éclipsa sans rien lui dire de plus.

Dix minutes plus tard

Comme elle l'avait prédit, elle revint pile à l'heure, avec un petit sachet provenant de la boulangerie dans les mains. Pour une fois qu'elle avait des sous sur elle et surtout par peur de devoir ramener un Alphonse en lambeau elle lui avait acheté de quoi prendre un petit-déjeuner. Certes, pas très équilibré, mais au moins il aurait quelque chose dans le ventre.

- Je ne sais pas ce que t'aime, alors j'ai pris un peu de tout...

Effectivement, un pain au chocolat, un croissant, un pain au sucre, une brioche, un sablé et un beignet séjournaient dans le paquet et attendaient patiemment d'être mangés ou dégustés.

- Sers-toi. Mais tâche de faire vite, je n'ai pas toute la matinée.

Al accepta le thermos de Saniya avec reconnaissance. Pour une fois, il allait faire une exception et boire cette boisson dynamisante qu'était le café. Il aurait besoin d'énergie de toute façon, ce n'était pas le moment de faire le difficile. Même si nous connaissons tous les conséquences désastreuses qu'a le café sur un hyperactif. Al bût quelques gorgées du liquide brûlant tout en regardant Saniya s'éloigner après lui avoir demandé de s'échauffer.
Lorsqu'elle fut hors de vue, Al reposa le thermos, posa son sac à dos à côté et s'avança sur la piste. Et vécu un moment de solitude, ne sachant que faire pour commencer. S'il appliquait les leçons du Coach, il était bon pour trois tours de stade. Or, préférant remettre la course à pied au plus tard possible (voir à jamais), Al opta pour quelques assouplissements basiques des jambes et du dos. Son manque de souplesse le fit gémir, alors que ses mains ne frôlaient même pas le sol quand il se penchait en avant. Il avait besoin de se dérouiller. Hmm non, rectification : il n'avait jamais été souple, ce n'est donc pas une question de rouille. Pathétique Feldmann.
Saniya reparut dix minutes plus tard exactement, un paquet en papier craft dans les mains.

- Je ne sais pas ce que t'aimes, alors j'ai pris un peu de tout... Sers-toi. Mais tâche de faire vite, je n'ai pas toute la matinée.

- Toi, tu sais parler aux mecs, lâcha Al en salivant devant toutes les viennoiseries. Merci !

Il attrapa le croissant et le beignet aux pommes et les enfourna en trois minutes. Le reste ne dura pas plus longtemps. Rassasié, Al s'essuya la bouche avec la serviette en papier que lui tendait Saniya puis se tourna vers elle en sautillant sur place.

- Nickel ! Je suis chaud maintenant. Au taquet ! Tu vas voir, je vais tout défoncer ! J'le sens bien là. On commence par quoi ?

- Je suppose que je dois dire de rien ?

La jeune fille l'observa engloutir tout ce qu'elle venait d'acheter sans même avoir eu le temps de pouvoir se prendre quelque chose pour elle, ni même de se rappeler ce qu'elle acheté quelques minutes plus tôt. Un vrai goinfre. Même un troll était susceptible de moins manger que lui ! Après lui avoir donné une serviette pour s'essuyer la bouche, elle croisa les bras tout en levant les yeux au ciel. Les choses sérieuses allaient commencé et il allait moins faire le malin.

- La prochaine fois, rappelle moi de mettre de côté au moins une pâtisserie... dit-elle avec une pointe de regret.

Elle parti à la poubelle pour jeter les détritus et quand elle revint à ses côtés, il se mit à sautiller devant elle. Elle regarda faire pendant quelques secondes et haussa un sourcil comme elle savait si bien le faire.

- Tu as le feu aux fesses ou quoi ? Cesse donc de sautiller comme une puce, tu me donnes la migraine ! Bref. Commence par faire une série de pompe. On va voir ce que tu as dans le ventre, en dehors de ce que tu viens de t’empiffrer.

- Désolé, bredouilla Al avec un petit air gêné. Je te payerai ce que tu veux la prochaine fois.

Si prochaine fois il y a... Al secoua la tête pour écarter cette idée. Il allait se conformer à son programme : s'entraîner avec Saniya deux fois par semaine. Ni plus ni moins. Pas question de se défiler. Une pensée traître passa dans son esprit : Sauf si tu crèves en crachant tes poumons mon gars. Hmm.

- Tu as le feu aux fesses ou quoi ? Cesse donc de sautiller comme une puce, tu me donnes la migraine ! Bref. Commence par faire une série de pompe. On va voir ce que tu as dans le ventre, en dehors de ce que tu viens de t’empiffrer.

Al grimaça. Saniya commençait fort avec les pompes. Néanmoins, il s'exécuta sans broncher et s'allongea à plat-ventre sur la piste. Après un bref soupir, il se hissa sur les bras et commença à pomper. Les cinq premières passèrent sans difficulté, la suite se corsa. Au bout de la dixième, il gémissait. À la quinzième, le rythme avait ralentit de moitié. À la vingtième il tremblait carrément. Et il se laissa retomber lourdement sur le tartan à la vingt-troisième. Al se retourna sur le dos en soufflant comme un bœuf. Vingt-trois. C'était pas mal ! Il était plutôt fier de lui finalement.

- Ok ok, j'en peux plus là... Je sais pas si tu te rends compte, mais je viens de faire plus de sport en cinq minutes qu'en une semaine de cours. J'espère que t'as pas prévu autre chose.

La jeune fille poussa un long soupir en le voyant s'étaler de tout son long. Même elle était capable de faire beaucoup plus que vingt-trois pompes. Elle se retint de lui dire que même sa grand-mère pouvait faire mieux et se contenta de lever les yeux au ciel, de croiser les bras sur sa poitrine et de taper du pied, agacée par ce qu'il venait de dire. Ils étaient loin d'avoir terminé et elle comptait bien le faire suer jusqu'à ce qu'il n'est plus de sueur à revendre. Elle posa la bouteille d'eau à côté de sa tête et partit farfouiller dans son sac à dos.

- Tu bois et on y retourne ! Et sans broncher, s'il te plait. Et même avec le sourire, ce serait merveilleux. Donc un peu de nerfs ! Tu es vraiment lent !

Elle sortit une petite corde et sourit à pleine dent tout en s'approchant de lui. Elle savait qu'il n'allait pas aimer, qu'il ne tiendrait jamais le rythme, mais tant pis. S'il était là, c'est qu'il avait envie de progresser et d'augmenter son niveau de sportivité. S'il croyait qu'il allait se la couler douce, il n'avait pas frappé à la bonne porte.

- On va aller courir, et à mon rythme. Pour ça, on va s'accrocher à cette corde, tous les deux et si tu flanches, tu tombes. C'est aussi simple que ça. Et, bien évidemment, à chaque fois que tu feras une rencontre avec le sol, une série de quinze pompes seront à faire. C'est comprit ?

Al gémit pitoyablement et attrapa la bouteille d'eau. Il se redressa en position assise histoire de ne pas en renverser partout et but goulûment tandis que Saniya fouillait dans son sac à dos. Qu'est-ce qu'elle allait lui préparer cette fois. À ce stade, Al ne s'étonnerait même pas si elle lui sortait une paire d'altères. Heureusement pour lui (ou pas), Saniya sortit tout autre chose : une simple corde. Allait-elle lui demander de faire de la corde-à-sauter ? Il n'en avait jamais fait, ça promettait...

- On va aller courir, et à mon rythme. Pour ça, on va s'accrocher à cette corde, tous les deux et si tu flanches, tu tombes. C'est aussi simple que ça. Et, bien évidemment, à chaque fois que tu feras une rencontre avec le sol, une série de quinze pompes seront à faire. C'est comprit ?

Au fur et à mesure que Saniya lui expliquait son exercice, le visage d'Alphonse se décomposait de plus en plus. Diantre, cette fille était sadique ! Il allait se faire traîner à coup sûr ! Al s'estimait tout de même heureux de ne pas se faire attacher comme un chien à son maître... Mais quand même ! La course à pied était son point faible (façon de parler hein). La fin d'Alphonse Feldmann était proche. Si jeune...

- Tu sais que ça pourrait s'appeler de l'exploitation de mineur ça ? maugréa-t-il en attrapant un bout de la corde. J'espère que t'as honte.

- Mais bien sûr, Alphonse, mais bien sûr. Je vais te laisser croire ça. En attendant, accroche moi cette fichue corde à ta taille. On ne va pas se promener là. Et je n'ai pas envie que tu la lâches.

En réalité, pour avoir déjà essayé, elle savait par expérience, que s'il tenait la corde à la main, celle-ci aurait l’immense privilège de lui provoquer une douleur vive s'il commençait à traîner le pas et à la serrer un peu plus pour ne pas la perdre. Si elle pouvait éviter de l’entendre geindre pour ça en plus de la multitude de muscles courbaturés qu'il allait découvrir d'ici peu, elle en serait éternellement reconnaissante.
Elle noua la corde autour de sa taille et attendit qu'il fasse de même. Une fois fait, elle le tira légèrement vers elle et se tourna.

- On va commencer par faire un tour et promis, je n'irais pas très vite. Ensuite, selon le résultat du premier tour, on avisera.

Elle se mit au point de départ et commença à courir. Le premier tour se passa sans encombre donc elle se mit à accélérer la cadence. Peu-être un peu trop.