The Witch vs. The Lover : first round. [Alphonse Feldmann, Nawel Devilson & Keyvan Hesediel]

- De toute façon, je n'espère pas grand-chose avec elle... Avoir, ne serait-ce qu'une attention de sa part, ce serait trop demandé. Alors nous voir main dans la main, ce n'est pas près d'arriver...

Al lui répondit par un petit sourire de compassion. Son ami n'avait pas tort sur ce point, il voyait mal Nawel déborder d'affection, et encore moins faire preuve d'amour. Chose étrange, Al ne parvenait pas à imaginer Nawel en couple dans l'avenir, avec des gamins et tout ce bazar. En même temps, si Keyvan avait vu juste et qu'elle avait vraiment une carapace, peut-être qu'un jour elle s'en débarrasserait et qu'elle pourrait avoir une relation "normale". Un jour, peut-être.

- C'est clair que t'aurais plus de chances en faisant ta déclaration à une autruche. M'enfin, garde espoir mon pote, l'impossible n'existe pas !

Al ponctua ces belles paroles d'un pouce levé en un geste encourageant. Il soupira finalement et reconsidéra son ami qui tirait une tête de six pieds de long.

- Et donc, qu'est-ce que tu comptes faire ? Emporter ton amourr (il roula le r) dans la tombe ?

Keyvan était désespéré, mais pas à ce point-là ! Déclarer sa flamme à une autruche, ça, c'était du suicide. Il n'avait pas spécialement envie de se faire percer le crâne à coup de becs. Et essayez de trouver une autruche dans Paris. Ça ne court pas les rues ! Il soupira et prit sa tête entre ses mains. Si Alphonse prenait cet aveux sur le ton de la rigolade, ce n'était pas son cas. Jusqu'à présent, il avait plus ou moins réussit à mettre ses sentiments de côté, mais maintenant qu'il en parlait, ils revenaient à la charge, l'empêchant de se concentrer sur autre chose que les beaux yeux gris de Nawel. Il aurait pu tomber amoureux de la jolie fille du cours de chimie ou de la sympathique punk du cours de maths, mais non, pour prouver que sa vie était vraiment nulle, il était tombé amoureux de Nawel. Il se laissa tomber sur la table et poussa un léger grognement. Vie de merde.

- Et donc, qu'est-ce que tu comptes faire ? Emporter ton amour dans la tombe ?

Alphonse avait roulé le "R" sur le mot "Amour" ce qui avait instantanément rappelé au jeune homme les cours d'espagnols. Et la prof d'espagnol. La très belle prof d'espagnol aux atouts très avantageux et qui lui faisait tourner de l’œil dès qu'elle rentrait dans la pièce. Ah... Si seulement il était plus vieux, il aurait bien passé quelques heures de son temps libre à lui enlever.... Enfin bref.

- Pourquoi pas ? demanda-t-il en relevant légèrement la tête vers lui. Qui te dit que Nawel me trouve à son goût ? Parce qu'aux dernières nouvelles, je n'ai encore jamais vu une seule fille s'intéresser à moi...

- Pourquoi pas ? Qui te dit que Nawel me trouve à son goût ? Parce qu'aux dernières nouvelles, je n'ai encore jamais vu une seule fille s'intéresser à moi...

- Et sinon l'optimisme, ça te dit quelque chose ou pas du tout ? rétorqua Al en levant les yeux au ciel.

- Déjà, à moins d'être médium, tu ne peux pas connaître les sentiments de Nawel si tu ne lui pose pas la question. Obilgée cette étape, sinon tu te tape un tas de messages subliminaux incompréhensibles et que seules les filles connaissent, et tu te noies sous les battements de cils et les "je t'ignore parce que je t'aime", voir les "je t'ignore parce que j'en ai rien à fiche de toi". Demande-lui. Enfin pas tout de suite, ni dans les semaines à venir, si tu tiens à ta dignité. On parle de Nawel là, faut pas l'oublier. Attends qu'elle montre des signes de gentillesse. Bon ok, tu risques de poireauter longtemps, mais c'est ça ou rien. Secondo, soit pas aussi fataliste, t'es pas si moche comme type. Enfin, pour ce que j'en sais moi... Oh si ! J'ai une idée ! Et tu vas pas aimer.

Soudains, une lueur s'alluma dans les yeux d'Alphonse et un sourire carnassier naquit sur son visage. Il se pencha vers son ami en prenant appui sur ses coudes posés sur la table.

- Je viens de trouver de quoi rembourser ta dette mon petit Keyvan. Et en plus, elle sera tout bénef' pour toi, donc n'essaye même pas de te défiler. Ecoute bien : tu vois cette fille (il désigna du pouce la table de derrière où se trouvait une adolescente de leur âge, une jolie métisse aux yeux verts) ? Tu vas aller l'aborder et lui demander de t'évaluer sur une échelle de zéro à dix. Au moins tu seras fixé sur tes potentielles chances de conclure avec Nawel.

Al se radossa à sa chaise, très fier de son idée.

Keyvan détestait les idées d'Alphonse et il détestait encore plus quand il disait dès le début qu'il n'allait pas aimer. Ça sentait le roussi à des kilomètres. Même quelqu'un avec le nez bouché pourrait le sentir ! Il fixa son ami dans l'attente de sa fameuse idée. Et plus il avançait dans ses explications, plus son visage se décomposait. Il était en train de tomber au fond du gouffre, de faire une chute libre de plusieurs centaines de mètres. C'était la catastrophe ! Jamais il n'aurait le courage d'aborder cette jeune fille -qui était magnifique soit disant passant- et de lui demander si elle le trouvait beau ou laid. Ce n'était pas dans ses habitudes et mine de rien, il est timide ce pauvre petit.
Il fixa son ami droit dans les yeux. L'envie de l'étriper sur-le-champ ne lui manquait pas, mais il avait raison. Il avait une dette envers lui et il aurait pu faire bien pire. En fait non, il ne pouvait pas faire pire que ce qu'il lui demandait ! Plus il réfléchissait à une façon de l'aborder, plus il se stressait. Il jeta un nouveau coup d’œil vers la métisse et se pinça les lèvres. Il allait mourir avant de réussir à aligner trois mots.

- Al, tu ne peux pas me faire ça... Franchement, c'est dégueulasse... Tu sais très bien que je vais finir en tomate farcie !

Oh oui, il le savait que trop bien, mais il s'en fichait. Et Keyvan aurait beau le supplier, il ne changerait pas d'avis. C'était à son tour de jouer et il en était bien conscient. Voyant qu'il ne céderait pas et qu'il était tout à fait capable de le traîner par la peau des fesses pour exécuter sa dette, il tenta de le prendre par les sentiments.

- Je vais mourir d'une crise cardiaque, tu le sais ? Et à cause de toi, je ne pourrais jamais déclarer ma flamme à Nawel... Et tu seras le plus malheureux des amis. C'est ça que tu veux ?

Encore une fois, Alphonse faisait mine de s'en foutre et le regardait air de dire "Mon vieux, tu n'as pas trop le choix. Tu réfléchiras avant d'agir, la prochaine fois."

- Je déteste..., lâcha-t-il en se levant, et pas qu'un peu...

Keyvan prit une grande respiration et afficha sur son visage toute l'assurance qu'il pouvait avoir dans un moment pareil. (Autrement dit, ça donnait ça → ici) et se dirigea vers la table de la fille qu'il lui avait montré. Il tremblait de tous ses membres et son cœur battait la chamade. Voilà comment était mort l'adolescent Keyvan Hesediel. D'un infarctus provoqué par son meilleur ami. Quelle tragédie. De plus, il savait qu'Al le regardait en souriant et se moquait de lui. Certes, il l'avait cherché, mais quand même, c'était sa survie qui était en jeu.

- Oui ?

Une douce voix le fit sursauter et sortir de ses pensées. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il se trouvait devant la table depuis déjà quelques secondes à contempler la jeune fille. La honte. Il passa une main dans ses cheveux, retira ses lunettes pour les essuyer sur son tee-shirt et les remit sur son nez aussi maladroitement qu'une poule avec une brosse-à-dent, ce qui fit rire les amies de la métisse. Lui, en revanche, il ne rigolait pas du tout.

- Euh... Je... Enfin... Je voudrais....

- Je t'écoute ?

Argh !

- teposerunestion.

- Pardon ? demanda la jeune fille. Je n'ai pas comprit ce que tu as dit ?

Tu m'étonnes. Lui non plus ne s'était pas comprit.

- Je voudrais te poser une question, reprit Keyvan en tentant de calmer les battements de son cœur, si ça ne te dérange pas...

Elle hésita quelques secondes avant de lui répondre que ça ne la dérangeait pas. Seulement, ces quelques secondes de silence avait paru durer une éternité et le jeune homme s'était transformé en piment. Rouge le piment. Il regarda discrètement son ami et reporta son regard sur la jeune fille. Aller. Ce qui est fait, n'est plus à faire. Motivation.

- Voilà, sur une échelle de zéro à dix, tu me donnes combien ?

- En prenant en compte tes fossettes qui ont rougi ou pas ? Dit-elle en souriant pour se moquer gentiment.

- Mes fo-quoi...? Ah euh... Comme tu veux...

Bon sang ! C'était définitif, il haïssait Alphonse et du plus profond de son être !

- Et bien, je dirais sept sur dix. C'est mignon un gars qui rougit et qui est autant gêné à l'idée d'aborder une fille. Ne t'inquiète pas, tu as toutes tes chances avec elle.

Keyvan poussa un long soupir de soulagement et se détendit. Il n'était pas mort. Il n'était visiblement pas si moche que ce qu'il pensait. Et il avait avec ses chances avec Nawel, d'après elle. Hein ? Comment avait-elle deviné ?

- Comment tu sais...?

- Vous parlez un peu fort, ton ami et toi.

- Oh... Je vois. Merci en tout cas. C'est gentil.

Il tourna la tête vers sa table puis vers la jeune fille et de nouveau vers sa table. Il devait s'éclipser et vite. Ce qu'il fit sans plus tarder. Il rejoignit son ami et s'effondra sur la chaise, si bien qu'il faillit la rater et se retrouver les fesses par terre.

- Mon gars, je te hais...

Al ignora royalement les protestations de son ami. Au contraire, il s'en amusait beaucoup. Sûrement son côté sadique qui refaisait surface. Al suivit Keyvan des yeux lorsque celui-ci s'éloigna d'un pas mal-assuré vers la table voisine et la jolie métisse qui l'occupait. Le pauvre, depuis toujours il devait supporter les idées géniales d'Alphonse. Et la plupart du temps, c'était lui le cobaye, au grand plaisir du jeune homme. La joie était ici encore plus grande quand on savait que Keyvan ne pouvait pas refuser.

Keyvan était arrivé au niveau de la jeune fille, et il rougissait tellement qu'Al pouvait le voir de là où il était assit. Le jeune homme leva les yeux au ciel. Son ami s'y prenait comme un manche à balai, s'en était risible (d'ailleurs Al ne se gênait pas pour laisser échapper des éclats de rire de temps à autre). Note personnelle : apprendre à Keyvan à aborder une fille en toute dignité et virilité.

Al se retourna sur sa chaise et chercha une occupation, tout en écoutant chaque détail de la conversation qui se déroulait juste derrière lui. Il avait presque terminé d'arracher l'étiquette de sa bouteille d'eau (sans laisser de trace de colle sur le plastique évidemment) lorsque Keyvan le rejoignit enfin.

- Mon gars, je te hais... lâcha-t-il en s'affalant sur sa chaise.

Al lui répondit par un grand sourire et un air goguenard.

- Tu vois que tu t'en es pas si mal sorti ! Bon ok, c'était plutôt pathétique que romantique mais passons. T'as réussi ! Je suis fier de toi jeune padawan.

Al lâcha sa bouteille et se pencha légèrement en avant.

- Bon. Passons aux choses sérieuses. Tu viens de voir ta confiance en toi remonter de quelques crans, n'est-ce pas ? On va pouvoir attaquer la phase deux du plan. Mon plan. Le plan "drague la Méduse". Avoue que ça en jette comme nom ? remarqua Al avec un clin d'oeil. Bref. Dans ma grande, que dis-je... mon immense mansuétude, j'accepte de t'aider. Mais attention, pas de coup fourré genre les plans pourris de Nawel. Un truc propre et efficace.

Pas si mal sorti ? Pas si mal sorti ?! PAS SI MAL SORTI ?!! Mais il se foutait de lui ou quoi ? Keyvan venait de faire une demi-douzaine de crises cardiaque, venait de se mettre une honte monumentale, il était aussi rouge qu'un carton rouge au football et il osait dire qu'il s'en était pas si mal sorti ? La petite blagounette. Il foudroya son ami du regard et se retint de justesse de sauter par-dessus les tables pour l'étrangler. Il lui en donnerait de sa fierté pour lui et de son "pas si mal" . Tsss. Alphonse reprit la parole après quelques minutes de silence, que le jeune homme aurait bien apprécié pendant quelques minutes encore, et se mit à rire nerveusement. Pourquoi ?


- Pourquoi est-ce que j'irais la draguer alors que j'essaie de l'éviter et même de l'oublier ? Ça ne marchera jamais entre elle et moi ! Au lieu de me mettre des fausses idées et des faux espoirs en tête, tu ferais mieux de m'aider à tourner la page...

Le jeune homme soupira et se frotta le visage.

- Et pourquoi tu m'aiderais à la draguer alors que tu ne veux même plus lui parler ?

Al balaya l'argument d'une main impatiente. Keyvan avait beau dire qu'il s'en fichait, Al avait tout pour penser le contraire, et il n'allait pas le laisser dépérir si facilement... Ou pas. Le jeune homme considéra son ami. Finalement, il n'était plus vraiment sûr de vouloir le caser avec Nawel. Il méritait beaucoup mieux. Une fille qui reconnaissait les qualités de Keyvan, pas une qui l'envoie bouler juste parce qu'elle en a envie. Non décidément, maintenant qu'il y réfléchissait en profondeur, ça ne pouvait pas coller entre eux.  

- Ok ok. T'as raison. Mauvaise idée.

Sans laisser le temps à Keyvan de soupirer de soulagement, Al se redressa sur sa chaise et afficha un large sourire. Il n'allait pas le lâcher si facilement. Surtout maintenant qu'il le tenait dans ses filets (un peu plus et il lâchait un rire des plus machiavéliques, digne des plus grands méchants de l'histoire du cinéma).

- Laisse tomber Nawel, je vais te trouver bien mieux, mon petit ! Une jolie jeune fille gentille, généreuse... tout le contraire de Nawel en fait. Crois-moi, ça va te changer la vie ! Et je suis sûr que c'est pas le genre de fille qui manque ici. Tiens, pourquoi pas elle ? (Al désigna la métisse de la table de derrière.) Au moins tu la connais maintenant !

Keyvan s'étouffa avec sa salive. Lui qui pensait être tiré d'affaires, et bah non ! Alphonse avait plus d'un tour dans son sac ou dans son cerveau ou dans son cortex cérébrale. Comme vous voulez ! Le jeune homme ne prit même pas la peine de se tourner et foudroya du regard son ami. Il allait se calmer ou pas ? Bon sang ! Il voulait attirer tous les regards sur eux ? Il se tassa un peu plus dans sa chaise et marmonna, dans sa barbe, à son ami de se tenir tranquillement sur sa chaise.

- Et si tu me laissais avec ma vie sentimentale ? Je crois que c'est bon, tu t'es vengé ! Alors lâche-moi. Je n'irais pas avec cette métisse, ok ? Elle a beau être magnifique, super bien foutue et je te passe toute la liste de compliment que j'ai dans la tête, je ne sortirais pas avec elle.

Il croisa les bras, les décroisa puis les re-croisa, les re-décroisa, les re-re-croisa et s'arrêta là, car ça devient long d'écrire tout ça. Il tourna la tête pour observer les pensionnaires qui passaient et là, coup de foudre !
Une jeune fille qu'il avait aperçus de nombreuses de fois en cours et qui d'après ses informations, était amie avec Azalée, venait de déposer son plateau afin de sortir du self. Elle était magnifique...

- Waouh... La vache... Enfin, non... Ce n'est pas une vache, pas du tout... Ce serait plutôt, une tulipe...

HSRP:

- Une tul... ?

Al se retourna sur sa chaise en direction de l'endroit que fixait Keyvan, avec des yeux vitreux de cro-magnon qui vient de découvrir le feu. Son regard se posa sur une charmante jeune fille brune qui débarrassait son plateau. Il n'avais jamais vraiment fait attention à elle, le peu qu'il savait à son sujet c'était qu'il lui arrivait de traîner avec Azalée. Un bon point pour elle en fin de compte. Al se retourna vers son ami, toujours absorbé par sa vision.

- Une tulipe, hein ? lâcha-t-il avec un air consterné. T'as fumé la moquette ou... ?

À moins que... Alphonse plissa les paupières et son regard concentré fit des va-et-vient entre Keyvan et la jeune fille. Un schéma se dessina doucement dans son esprit. Il connaissait ces yeux-là. Se pourrait-il que son ami ait eut le coup de foudre ? Le béguin ? L'amour soudain pour cette brunette inconnue ? Ce serait vraiment trop beau ! Un miracle même ! Un sourire carnassier s'élargit sur son visage tandis qu'Al reprenait une position normale, face à son ami. Cette variable n'aurait pas pu mieux tomber.

- Dis-moi mon petit Keyvan, serait-ce les yeux de l'amour que je peux voir là ?

HS:

Keyvan ne répondit pas à la première réflexion de son ami. Où est-ce qu'il aurait pu trouver de la moquette ? Sérieusement ? Nulle part ! Et lui ? Fumer ? Encore une idée farfelue qui naissait dans le cerveau de génie. Quoi que là, il s'imaginait plutôt le génie débile dans Aladdin, donc je vous laisse imaginer le tableau.
Prenez en compte le fait que Alphonse incarne le génie, et Keyvan, Aladdin. N'est-ce pas magnifique ? Si. Mais est-ce sérieux ? Non. Alors se fier aux idées et aux moments d'intelligence de celui-ci est une très mauvaise idée. Une très, très, très, très, très, très, très, etc., mauvaise idée. Enfin bon, nous nous égarons là, ce n'est pas le sujet ! Donc. Keyvan resta muet jusqu'à ce que son ami reprenne la parole, soudain prit d'un élan de compréhension.

- Dis-moi mon petit Keyvan, serait-ce les yeux de l'amour que je peux voir là ?

Le jeune concerné détourna progressivement son regard de la jeune fille pour se poser sur son meilleur ami. S'il avait des mitraillettes à la place des yeux, il l'aurait déjà tué depuis longtemps. Il ne pouvait pas le lâcher, ne serait-ce quelques secondes ?

- Oui, bien sûr. Tu peux même voir que ma pupille s'est transformé en cœur rose, que j'ai le cœur, l'organe, qui tambourine dans ma poitrine en ayant prit la morphologie d'un cœur, la forme cette fois-ci, et qui ne devrait pas tarder à sortir de mon corps. D'ailleurs, là, je me sens tout bizarre. Je crois que je n'ai jamais ressenti autant d'amour en si peu de temps. Non, vraiment. Je suis très sérieux. Je pense même que je devrais aller lui dire ô combien je l'aime et ô combien mon amour pour elle est irrévocable !

Keyvan haussa les yeux vers le plafond -blanc- du réfectoire et soupira.

- Bon, ok, dit-il gêné, ce n'est pas totalement ironique ce que je viens de dire...

L'image que décrivait Keyvan lui rappelait étrangement le loup de Tex Avery, avec ses yeux élastiques et sa langue à rallonge. Il fallait avouer qu'imaginer son ami avec ce genre de tête était assez désopilant. Bon, la brunette ne ressemblait pas du tout à la pin-up en robe rouge mais passons.

- T'es pas aussi bon en ironie que moi mon pote, va falloir t'y faire, répondit Al avec son fameux sourire en coin. Tu as du chemin à parcourir avant de parvenir à mon niveau, jeune padawan. Un long et périlleux chemin...

Al sourit d'un air victorieux.

- J'en étais sûr. Bon, c'est vrai qu'elle est plutôt pas mal physiquement parlant, je te l'accorde. Mais qu'en est-il de sa beauté intérieure ? Elle est peut-être triste comme la pluie, aucun sens de l'humour, ou pire, hyper lourde. Si ça se trouve elle est pire que Nawel, t'imagines ?! Une horreur. Et quel dommage que tu n'ais pas assez de confiance en toi pour aller l'aborder et faire sa connaissance. (il soupire) Quel gâchis. C'est bien triste tout ça, bien triste...

Le jeune homme poussa également un long soupire, posa les coudes sur la table et prit son menton entre ses mains. Il pouvait parler, lui. Combien de temps avait-il mit pour oser aborder Azalée ? Deux ans. Alors si Keyvan prenait quelques minutes, voir quelques jours ou même quelques mois pour aller discuter avec Allison, qu'il connaissait déjà pour s'être retrouvé à côté d'elle en cours, il n'avait pas à ramener sa fraise et encore moins à lui faire la morale.

- Déjà, elle ne peut pas être comme Nawel puisqu'elle est amie avec Azalée. Et vois-tu, scientifiquement, Allison ne peut pas être amie avec ta chériiiie et avoir le même caractère que Nawel. Donc désolé mon pote, mais là, c'est un point pour moi.

Il lui fit un clin d'oeil et reposa ses mains à plat sur la table. Il n'allait pas le laisser lui dicter sa vie amoureuse. Hors de question. Il venait d'avoir sa vengeance, alors terminé maintenant.

- Et je prendrais le temps qu'il faudra pour l'aborder. Je ne t'ai pas forcé à aller voir Azalée, moi. (Si on ne prend pas en compte la question fatidique qu'il lui posait dès qu'il le croisait : "Alors ? Tu lui as parlé ?!") Donc, tu me laisses avec mes soucis de cœur et je te laisse avec les tiens. Ça marche ? Et puis même si ça ne marche pas, je ne te laisse pas le choix. Je ne veux pas de tes conseils et encore moins que tu te prennes pour mon Cupidon. Tu vises trop mal, Al, et tu le sais. Alors oublie l'arc et les flèches. C'est mieux pour ma survie.

Al n'avait jamais touché d'arcs ou de flèches de toute sa vie, mais il savait au plus profond de lui-même que Keyvan n'avait pas tort : il serait sûrement un piètre archer. Al soupira donc, vaincu, et promit à son ami de se taire et de ne plus aborder le sujet. En croisant les doigts sous la table, évidemment. Il venait de trouver un bon filon pour asticoter Keyvan, pas question de le laisser tranquille avec ça.

Après quelques minutes de silence, Al laissa échapper un long bâillement involontaire. Il secoua la tête, dans une vaine tentative pour se réveiller.

- Ouh ! Je commence à me faire vieux : 20h30 et je suis déjà à plat, fit-il en consultant sa montre. Bon, je vais pas attendre de m'endormir dans mes pâtes, et je vais monter me coucher. Dure journée demain. À toute' Keyv'.

Al salua son ami, se leva et parti débarrasser son plateau. Une fois cette tâche accomplie, il se dirigea d'un pas fatigué vers la sortie du réfectoire. Demain il devrait essayer de se faire pardonner par Azalée, et il prévoyait que ce ne serait pas une mince affaire. Le jeune homme bailla de nouveau à cette idée et franchit les portes de la grande salle. Il espérait que le proverbe "la nuit porte conseil" n'était pas du pipeau...