Juliette ou comment se faire comprendre quand on ne parle pas [Juliette Duchemin, Alphonse Feldmann & Nawel Devilson]

Après être sortie du grand bureau de la directrice, qu'elle avait trouvé à première vue un peu trop sombre à son goût, car comme toute petite fille qui se respecte, elle aurait préféré des tapisseries roses avec des petites licornes ou des papillons, mais à la place de ça, il y avait seulement un mur terne et des meubles pas très accueillants. Ainsi qu'un grand bol de bonbons qu'elle avait réussi à voler et après avoir terminé la visite du bâtiment, Juliette marchait en compagnie d'une jeune femme, qui devait cruellement avoir envie de rentrer chez elle. Elle avait le regard sévère et soupirait à chaque pas qu'elle entreprenait, faisant comprendre à la petite fille, qui malgré son âge était loin d'être idiote, qu'elle lui faisait éperdument perdre son temps. Elle lui récita tout un blabla inutile, lui expliquant qu'elle était la surveillante de la partie Ouest de l'orphelinat ; autrement dit celle des filles et qu'en cas de besoin, elle pouvait l'appeler. Bien sûre, la fillette ne s'en donnerait jamais la peine. Elle avait vécu seule et à la rue pendant des années, elle était tout à fait capable de s'occuper seule et de gérer ses problèmes, d'enfants, certes, mais ses problèmes. Elle serra contre elle son acolyte Oursy, une peluche ours vieille comme le monde qui avait perdu une patte et un œil pendant la guerre, lorsqu'elle aperçut deux adolescents qui venait dans sa direction. Elle adressa un regard inquiet et interrogateur vers la surveillante qui venait de faire naître un sourire sur ses lèvres.

Elle va se débarrasser de moi...

Et elle avait raison. Elle s'arrêta et sans que Juliette ne puisse répliquer, elle se retrouva à deux centimètres des deux autres orphelins qui la dévisageaient comme ci c'était un monstre. Après leur avoir expliqué qu'elle était sous leur entière responsabilité, elle s'éclipsa.

On leur dit bonjour Oursy ? [...] Tu crois ? Peut-être qu'ils sont méchants...? [...] D'accord, d'accord !

Juliette se contenta d'un discret sourire pour les saluer, mais surtout pour faire plaisir à son doudou.

Nawel avançait en priant le saint esprit de bien vouloir faire taire Alphonse qui ne cessait de siffloter, chantonner, mimer et tout autre verbe en -ER, la chanson de Dora et de lui casser les oreilles avec sa voix de casseroles. Ils auraient pu tenir une conversation, mais non, il préférait ignorer royalement ce qu'elle disait et continuer de l'embêter malgré les menaces les plus farfelues qu'elle essayait de trouver pour qu'il arrête.

- Al, je te jure que tu vas me le payer !

Ils passèrent la porte qui séparait le couloir du hall d'accueil et la jeune fille se stoppa net en voyant l'une de leur surveillante, qui ne pouvait pas la voir en peinture, mais c'était réciproque et une petite fille de sept ou huit ans. Elle ravala sa salive et tourna la tête vers son ami.

- Pince moi, je dois rêver. Ce n'est ni un gars ni un ado... Pourtant, j'étais persuadé que si...

Pas le temps de parler plus, elles étaient déjà devant eux et la surveillante prenait la parole. La bonne nouvelle, c'est que la petite ne parlait pas suite à un choque émotionnelle, donc pas de cris, de pleure, rien, juste le doux silence de la tranquillité et la mauvaise nouvelle, c'est qu'Al et elle devait s'en occupé, et puisque c'était une fille, elle allait se la coltiner jusqu'au coucher. Autant vous dire que le visage de Nawel se décomposa et resta tel quel même après le sourire amical de la petite.

Al passa la porte juste derrière Nawel qui continuait de pester contre lui et ses sifflotements, et faillit -une fois de plus- lui rentrer dedans lorsqu'elle s'arrêta en plein milieu du passage. Il allait protester mais remarqua Mrs Torbinski qui faisait apparemment visiter l'orphelinat à une petite nouvelle. Elle devait avoir huit ans maximum, et avait l'air complètement perdue comme le laissaient deviner ses grands yeux bleus écarquillés.

- Pince moi, je dois rêver. Ce n'est ni un gars ni un ado... Pourtant, j'étais persuadée que si...

- Bah c'est une petite fille... Je gagne le point, j'étais quasiment sûr que ce serait un gosse, ajouta-t-il sur le même ton.

Mrs Torbinski eût l'air de prendre leur arrivée comme une bénédiction du Saint Esprit puisqu'elle les chargea immédiatement de la responsabilité de la petite fille pour le reste de la journée. Al voulut protester mais la surveillante ne lui en laissa pas le temps et tourna les talons, les laissant seuls.
Il soupira, résigné, et se tourna vers la nouvelle. Elle continuait à les regarder, sa peluche serrée contre son ventre, et un petit sourire timide sur les lèvres.

- Euuuh... Salut toi ! commença-t-il en se penchant légèrement pour se mettre à la hauteur de la gamine. Tu t'appelles comment ?

Juliette fit une première analyse de la situation. Ils n'avaient pas l'air plus enchanté l'un que l'autre à l'idée de s'occuper d'elle, mais elle ne l'était pas plus à l'idée de devoir rester avec eux. En revanche, contre toute attente, le garçon semblait être un peu plus sympathique que sa copine.

- Euuuh... Salut toi ! commença-t-il en se penchant légèrement pour se mettre à la hauteur de la gamine. Tu t'appelles comment ?

La petite fille ouvrit la bouche, mais la referma aussitôt. C'était peine perdue, aucun son en sortirait de toute façon. Elle regarda autour d'elle, mais rien n'allait lui permettre de se faire comprendre. Il n'y avait ni bloc de papier, ni stylo, ni tableau ou même un feutre... Elle baissa légèrement la tête en glissant un petit doigt sur les oreilles d'Oursy, ennuyée de ne pas pouvoir communiquer.

Je fais comment maintenant ?

La réponse ne se fit pas tarder. Juliette regarda la gourmette qui était accrochée à son poignet et tendit le bras vers le garçon qui était à sa hauteur. D'un petit coup d'œil vers la gourmette, elle lui fit comprendre où regarder pour avoir la réponse qu'il désirait.

Merci, Oursy !

La petite sembla sur le point de lui répondre mais finalement, se ravisa. Al fronça les sourcils. Soit elle ne pouvait pas parler, soit elle ne voulait pas parler. Choc émotionnel d'après ce qu'il avait pût comprendre de Mrs Torbinski. Baaah ! Ils arriveraient bien à lui délier la langue ici. Al espérait juste que Nawel ne la traumatise pas trop...
En attendant, la petite nouvelle tentait apparemment de trouver un moyen de communication. Ou autre chose, pour ce qu'il en savait... Elle lui désigna la gourmette attachée à son poignet. Al baissa la tête pour déchiffrer l'inscription gravée sur le bracelet doré.

- Juliette... Joli prénom, sourit-il enfin. Moi c'est Al, et elle (il montra Nawel du pouce derrière son épaule) c'est Nawel. Mais je me méfierais d'elle si j'étais toi, elle est... bizarre.

Autant la prévenir tout de suite, même si elle le découvrirait tôt ou tard. Plus tôt que tard d'ailleurs, se corrigea Al chez qui l'idée du bizutage concocté par Nawel refit surface.

La petite fille pencha la tête sur le côté pour apercevoir d'un peu plus près la fameuse Nawel. Bizarre qu'il dit ? Elle ne ressemblait pas à quelqu'un de bizarre, juste à une adolescente qui ne sait pas quoi faire de sa vie et qui ne va pas tarder à s'énerver ou pire encore, à effectuer un attentat. Elle était trop prévisible comme fille. Elle se mettait à taper du pied et à lever les yeux au ciel quand l'énervement commençait à monter. Elle ne devrait vraiment pas apprécier qu'Al porte un peu d'intention à une autre personne qu'elle.

Qu'est-ce que tu dis Oursy ? [...] Pourquoi, elle n'a pas l'air méchante... [...] D'accord, d'accord...

Elle reporta son regard sur le jeune homme et lui fait signe avec son pouce que le message était passé. Maintenant, elle voulait vérifier sa théorie de la jalousie et de l'énervement. Elle posa son ours en peluche sur son modeste sac.

Ne fais pas cette tête. Je te pose seulement pour deux minutes.

Juliette pencha de nouveau la tête sur le côté pour s'assurer que Nawel était toujours là et voyant qu'elle était au bord de l'explosion, elle s'approcha tout doucement d'Al et lui fit un gros câlin. Elle se décolla tout doucement, le regarda dans les yeux, le pointa du doigt, forma un cœur avec ses mains et pointa du doigt Nawel. Elle voulait savoir s'il l'aimait, ou inversement et elle ne pouvait pas être plus clair.

Nawel était resté en retrait depuis le début de la conversation. S'occuper de la vermine faisait partie des choses qu'elle ne ferait même pas après sa mort. Elle se fichait de savoir qu'elle s'appelait Juliette, qu'elle ne pouvait pas parler etc. Elle, tout ce qu'elle souhaitait, c'est qu'on la laisse. Elle ne répondit même pas au pique d'Al et se contenta de sourire en imaginant le bizutage qui n'était pas prévue pour une petite fille. Mais puisqu'elle était là, elle le ferait quand même.

- Bon, on s'tire, Al ?

Elle détourna le regard pour admirer le mur, puis quand elle le retourna, elle croisa le regard de la gamine, puis la vit se jeter dans les bras de son ami. Elle faillit s'étrangler avec son chewing-gum devant cette scène un peu trop attendrissante et croisa les bras sur la poitrine.

- Tu joues à quoi la vermine ?!

Elle s'approcha de quelques pas mais suffisamment prés pour la voir faire un coeur avec ses mains et ensuite la pointer du doigt.

- Non, mais j'hallucine là ! Je frise le délire...

Elle observa Juliette avec des flammes dans les yeux.

- Toi et ton ours en peluche vous allez déguerpir !

- Bon, on s'tire, Al ?

L'intéressé ignora royalement Nawel, trop occupé par Juliette. Celle-ci eût d'ailleurs l'air de comprendre ce qu'il lui avait dit. Au moins elle n'était pas sourde... Al se s'interrogea sur les raisons de sa présence ici : avait-elle été abandonnée comme lui, ou séparée de ses parents comme Nawel ? Mrs Torbinski ne les avait pas éclairé à ce sujet, et vu la situation, la petite n'ayant pas l'air de vouloir décrocher un mot.
Cette dernière tira Al de ses pensées alors que, après quelques secondes pendant lesquelles elle détaillait Nawel d'un air très concentré, Juliette posa sa peluche sur son sac et se retourna vers lui. Al lui lança un regard interrogateur mais n'eût pas le temps de former une question : la petite le prit dans ses bras. Le jeune homme cligna des yeux, surpris, mais finalement fut attendris par ce geste innocent.

- Tu joues à quoi la vermine ?! lança Nawel derrière son dos.

- Rendors-toi Nawel, elle va pas me manger, soupira Al tandis que Juliette s'écartait.

La petite blonde le regarda dans les yeux, le pointa du doigt, forma un cœur avec ses mains et pointa ensuite Nawel. Ça ne pouvait pas être plus clair, et cette question muette fit bondir Al.

- Oulah non ! Pas du tout ! On est juste amis, rien de plus ! s'exclama-t-il en levant les mains à hauteur d'épaules.

- Oulah non ! Pas du tout ! On est juste amis, rien de plus ! s'exclama-t-il en levant les mains à hauteur d'épaules.

La petite fille haussa un sourcil. Pour lui peut-être, mais pas pour elle. C'était...logique. Même un aveugle à des milliers de kilomètres s'en rendrait compte. Mais aller faire comprendre ça quand on ne peut pas dire un mot. Elle soupira et se tourna vers Nawel qui était vraiment, vraiment, vraiment énervée.

- Toi et ton ours en peluche vous allez déguerpir !

Juliette tourna la tête vers son ours en peluche, que l'adolescente allait prendre en même temps que son sac, mais elle ne lui en laissa pas le temps et le lui arracha des mains tout en lui adressant un regard meurtrier. Personne n'avait le droit de toucher à Oursy à part elle et celui ou celle qu'elle désignait.

Arrête... Ne lui fais pas de mal. L'amour, ça la rend stupide.

Elle recula de quelques pas pour se mettre à côté d'Al, pas très confiante.

Et tu ne la mords pas non plus...

Nawel avait ramassé le sac et la peluche qui sortait tout droit d'un film d’horreur, encore plus horrible que Massacre à la tronçonneuse, The Grudge ou encore Rec lorsque la petite se jeta presque sur elle pour lui arracher l'ours des mains, ce qui la fit sursauter. C'était quoi son problème ? Elle la dévisageât tandis qu'elle lui jetait un regard dés plus méchant, air de dire que si elle s'avisait de le toucher une nouvelle fois, elle allait le regretter. Mais elle sortait d'où cette fille ? Bien sûre, sa déduction la plus farfelue était qu'elle sortait tout droit d'un des films cités plus haut, mais elle oublia vite cette idée. Impossible.

- Ça va, calme toi ! J'allais pas le brûler non plus. (Puis elle reprit plus bas) Même si je devrais...

Elle regarda Al et la fillette qui se rapprochait de lui. Super. Elle l'adorait et visiblement, il l'aimait bien aussi. Elle alliait donc devoir définitivement se la coltiner. Quoi de mieux pour fêter ça ? Faisons donc péter une bouteille de champomy puisque ce n'est pas ici qu'ils pourront goûter à du champagne un jour.

- Ok. Je suppose que tu veux t'en occuper, papa Daudet ? Pas de problème. Mais elle subira le bizutage comme tous les autres et même si celui-là n'était pas prévus pour une gamine.

Elle leva le sac qui contenait les affaires de la petite et la regarda d'un air méfiant.

- Je peux le porter sans que tu m'arraches un bras, ou il est aussi précieux que ton tas de poussière ?

Al assistait à l'échange disons... tendu, entre les deux filles, les bras croisés. Depuis le temps, il avait compris qu'essayer de raisonner Nawel à propos de son comportement avec les petits était comme essayer de convaincre un lion affamé de ne pas manger un lapin. Autant dire impossible. Or il savait aussi que son amie ne ferrait pas réellement de mal à Juliette. Pas physiquement du moins. Enfin il espérait...

- Ok. Je suppose que tu veux t'en occuper, papa Daudet ? Pas de problème. Mais elle subira le bizutage comme tous les autres et même si celui-là n'était pas prévus pour une gamine.

- Je suppose que je ne peux pas t'en dissuader, alors vas-y, soupira Al.

Non pas que le jeune homme soit sadique (pas autant que Nawel du moins), mais il était tout de même curieux de voir ce qu'elle avait préparé. Mais n'hésiterait pas à intervenir si jamais elle allait trop loin... On ne savait jamais avec Nawel.

- Les présentations étant faites, je vous propose de... euh... aller dehors ?

- [...] Mais elle subira le bizutage comme tous les autres et même si celui-là n'était pas prévus pour une gamine.

C'est quoi un bizutage Oursy...? [...] Ah... Bah ce n'est pas drôle...

- Je suppose que je ne peux pas t'en dissuader, alors vas-y, soupira Al.

C'était quoi cette histoire de bizutage ? Et d'abord, c'est quoi un bizutage ? Qu'est-ce que ça mange l'hiver cette chose ? Elle leva les yeux vers Al qui n'avait pas plus l'air rassuré qu'elle et reporta son regard vers Nawel. Elle était vraiment étrange cette fille. Pourquoi elle la détestait tant ? Elle ne lui avait rien fait de mal. Sauf si faire un câlin était un crime, chose qu'elle doutait.

Tu me protégeras contre le bizutage ? [...] Merci, tu es un vrai ami toi...

- Les présentations étant faites, je vous propose de... euh... aller dehors ?

Juliette hocha vivement la tête. Quelle bonne idée ! Sortir et de préférence loin de cette fille qui allait sans doute la jeter dans la fausse aux lions. Elle prit l'adolescent par la main, se retenant de ne pas tirer la langue à la méchante sorcière qui se trouvait en face d'eux et le tira, du moins essaya, vers la sortie.

- Je suppose que je ne peux pas t'en dissuader, alors vas-y, soupira Al.

Nawel sourit. Personne n'arriverait à la dissuader, pas même le plus doux regard de la petite fille. En même temps, ça lui faisait ni chaud ni froid. Elle détestait tout ce qui était petit. Donc par conséquence elle en faisait partie. Un enfant, sa respire l'innocence et elle haïssait l'innocence.

- Même en me suppliant à genoux avec une tablette de Milka, tu n'y arriverais pas. Dit-elle en lui faisant un clin d’œil. Alors ne te fatigue pas pour rien.

La jeune fille avait un péché mignon pour le chocolat Milka, et de préférence goût Oréo et ça, son ami le savait bien. Il pouvait la faire chanter à tout moment avec ça et généralement, elle craquait. Le chocolat était presque bannit de l'établissement, sauf en cas de fête comme Noël, qu'elle détestait encore plus que l'innocence des enfants ou Pâques. Sauf que, les chocolats de Noël ou de Pâques ce ne sont pas ses chocolats favoris.

- Les présentations étant faites, je vous propose de... euh... aller dehors ?

Elle n'eut pas le temps de répliquer, ni même d'ouvrir la bouche que Juliette tirait déjà Daudet par la main. Elle soupira et se mit devant eux en quelques secondes. Oui, elle est très sportive. C'est un des matières dans laquelle elle excelle.

- Popopo ! Minute papillon. On ne va pas dehors, on va au sous-sol, à moins que tu ne veuilles pas récupérer ta clef de dortoir et dormir sur le palier de la chambre, à toi de voir, petite.

Nawel avait tellement insisté sur le mot "petite", qu'on aurait presque pu le qualifier d'une insulte. Remarque, dit dans sa bouche, ça sonnait comme une insulte...

Sa proposition eût l'air de plaire à Juliette qui le traîna littéralement par la manche jusqu'à la sortie.

- Wow doucement ! sourit Al devant l'enthousiasme de la petite fille.

Mais ils n’eurent pas le temps d'aller bien loin.

- Popopo ! s'exclama Nawel en leur coupant la route. Minute papillon. On ne va pas dehors, on va au sous-sol, à moins que tu ne veuilles pas récupérer ta clef de dortoir et dormir sur le palier de la chambre, à toi de voir, petite.

Al leva les yeux aux ciel (encore). Quand elle avait une idée en tête, Nawel ne lâchait jamais l'affaire. Sauf peut-être contre une tablette de chocolat Milka goût Oreo. Et encore. D'ailleurs, Al songeait sérieusement à se constituer une réserve de ce fameux chocolat en cas de crise nawelèsque.

- T'exagères Nawel, tu veux vraiment faire ça maintenant ? Elle vient à peine d'arriver, laisse-la respirer un peu quoi...

- T'exagères Nawel, tu veux vraiment faire ça maintenant ? Elle vient à peine d'arriver, laisse-la respirer un peu quoi...

- J'ai eu le temps de respirer moi peut-être ? Je te signale que quand je suis arrivée, j'ai été condamné à te supporter ! Crois-moi, ce bizutage, c'est un cadeau, un jeu d'enfant ou même une vraie partir de plaisir contrairement à ce que j'ai dû endurer avec toi !  

Le ton de la jeune fille avait changé. Il n'était plus moqueur ou rieur et il sonnait horriblement vrai. Fini les taquineries, place à la vérité. Mais pas toutes les vérités sont bonnes à entendre.
Elle se sentait déjà coupable d'avoir dit ce qu'elle pensait, mais il y a plusieurs années de ça, mais s'excuser ne faisant pas partie de ses principes, elle mit sa culpabilité de côté et posa les bras sur ses hanches.

- Mais n'hésite surtout pas à partir avec elle ! Seulement, tu te débrouilleras comme tu peux pour la faire dormir dans un lit ce soir. Peut-être que tu l’accueilleras gentiment dans le tien.

Elle regarda Juliette droit dans les yeux et reprit, sur un ton un chouilla plus calme.

- Les sous-sols, c'est de l'autre côté.

- J'ai eu le temps de respirer moi peut-être ? Je te signale que quand je suis arrivée, j'ai été condamnée à te supporter ! Crois-moi, ce bizutage, c'est un cadeau, un jeu d'enfant ou même une vraie partie de plaisir contrairement à ce que j'ai dû endurer avec toi !  

Al ouvrit la bouche pour répondre, puis la referma aussi sec. Pour être choqué, il l'était ! Il ne s'attendait pas vraiment à ce que Nawel lui balance leurs rivalité enfantine au coin du visage dans une telle situation. Ou alors il avait loupé un épisode.

- Mais n'hésite surtout pas à partir avec elle ! continua Nawel. Seulement, tu te débrouilleras comme tu peux pour la faire dormir dans un lit ce soir. Peut-être que tu l’accueilleras gentiment dans le tien. Les sous-sols, c'est de l'autre côté, ajouta-t-elle à l'adresse de Juliette.

Al reprit ses esprits.

- Hey ho ! Je peux savoir ce qui te prends là Nawel ?! Ça ne me fait plus rire, pourquoi tu me balances ça ? Je sais que t'as eu une enfance difficile avant d'arriver ici, mais on est tous dans le même cas, ok ? Moi compris. Et Juliette n'a rien à voir avec cette histoire, donc pas la peine de l'utiliser comme excuse pour passer tes nerfs.

Sans lui laisser le temps de répondre, Al la contourna et entraîna Juliette vers le sous-sol, en bon diplomate qu'il était. Cette légère dispute ne devait pas s'intensifier, autant lui couper l'herbe sous le pied avant. Montrer à Nawel qu'il était toujours plus ou moins partant pour le bizutage était donc important.

Juliette avait assistée au petit échange de piques entre les deux qui se disaient amis, en les regardant l'un après l'autre en fonction de qui parlait. Une vraie partie de ping pong dont elle se  serait bien passé. En tout cas, elle cernait de plus en plus Nawel et elle l'aimait vraiment de moins en moins. Elle n'était pas la seule à être malheureuse, mais en revanche, c'était bien l'une des seules à être aussi détestable. Dommage qu'Oursy ne soit pas une poupée vaudou, sinon, elle aurait eu le droit à sa séance d'épingle planté sur sa minuscule elle.

Et ils se disent amis...

Elle se laissa faire quand Al la traîna vers les sous-sols. Elle ne s'attendait pas à ça de sa part et elle le regarda avec des gros yeux.

- Pourquoi tu lui obéis comme ci tu étais son caniche...? Demanda-t-elle d'une toute petite voix à peine perceptible avant de lui faire signe en mettant son index sur sa bouche de ne rien dire sur le fait qu'elle est parlé.

Elle était elle-même étonnée d'avoir réussi à aligner plus de trois mots sans se mettre à pleurer, rougir, partir en courant. Si elle lui parlait, c'est qu'elle avait confiance en lui. Et Juliette n'accorde pas sa confiance à n'importe qui.

Al ruminait en silence quand une toute petite voix sortit de la bouche de Juliette.

- Pourquoi tu lui obéis comme si tu étais son caniche...?

Il faillit trahir son " petit secret" en lui demandant pourquoi elle se mettait soudain à parler, mais se retint juste à temps. Pour une raison qui demeurait inconnue, Juliette ne voulait pas que l'on sache qu'elle n'était pas muette. Grand bien lui fasse.
Al jeta un coup d’œil derrière son épaule et, après avoir vérifié que Nawel était suffisamment loin derrière eux pour ne pas les entendre discuter (ou plutôt l'entendre discuter seul avec une gamine muette), se re-concentra sur Juliette.

- Je suis pas son caniche, maugréa-t-il après un temps d'hésitation. Et je ne lui obéis pas non plus. C'est juste qu'on est amis depuis quoi... 10 ans ? et je n'ai pas envie de tout foutre en l'air pour une simple question d'ego ou de fierté.

Il poursuivit d'un ton plus calme.

- Mais quand je ne suis vraiment pas d'accord je le lui fait savoir... Enfin c'est compliqué. Et une fillette de 7 ans comme toi ne doit pas comprendre des masses, pas vrai ? ajouta Al avec un sourire amical.

Si elle avait pu, Juliette l'aurait tapé avec sa peluche, mais se doutant bien que ce ne serait pas apprécié ni par Al ni par Oursy, elle se retint de le faire. Elle avait peut-être sept ans, mais elle était tout à fait apte de comprendre certaines choses. Et ces choses-là en faisaient partie et elle allait lui prouver le contraire.

- Si c'était vraiment ton amie, elle ne serait pas comme cela avec toi. Un ami c'est gentil. Regarde Oursy, dit-elle en le tendant vers lui, c'est mon meilleur ami, car il est gentil avec moi et qu'il me dit quand je dois faire attention.

Elle aurait quelques années de plus et elle serait passée pour une folle, mais là, c'était différent. Elle vivait seule avec son ours en peluche et les conversations avec lui étaient devenu aussi habituel que de voler des pommes sur le marché.

- Et il me dit que toi aussi tu devrais te méfier d'elle. Il dit aussi qu'un jour, tu verras qui elle est vraiment et que ça ne te plaira pas.

Consciente d'en avoir un peu trop dit, elle décida de reprendre les bonnes vieilles habitudes : Motus et bouche cousus.

- Si c'était vraiment ton amie, elle ne serait pas comme cela avec toi. Un ami c'est gentil. Regarde Oursy, c'est mon meilleur ami, car il est gentil avec moi et qu'il me dit quand je dois faire attention.

Oui mais Nawel est une fille complètement tarée, sadique et rebelle. C'est pour ça que je l'aime bien. Non je ne suis pas maso !
Al balaya ses pensées d'un geste imaginaire de la main. Juliette le prendrait vraiment pour un fou. Si ce n'était pas déjà le cas, vu comment elle le regardait...

- Et il me dit que toi aussi tu devrais te méfier d'elle. Il dit aussi qu'un jour, tu verras qui elle est vraiment et que ça ne te plaira pas.

- Je te dis que je la connais depuis perpète. Et puis c'est comme un jeu entre nous, ce ne sont pas de vrais disputes, rétorqua-t-il.

Al n'arrivait pas à croire qu'il tenait cette discusion avec une gamine de 7 ans... Il se croirait chez son psy ! Enfin ex-psy vu qu'il avait envoyé balader les quatre que lui avait imp... proposé l'orphelinat.

- T'inquiètes pas, va. Je sais ce que je fais.

Al adopta un visage confiant, sourit à Juliette, et reporta son attention sur le couloir. Le reste du trajet se passa en silence, puis ils arrivèrent devant la porte des escaliers qui menaient au sous-sol. Al ouvrit la porte, alluma la lumière et fit signe à Nawel et Juliette de passer devant. Il fermerait la marche.